lundi 5 octobre 2009

À L'Islet

Dans la matinée du 4 octobre nous passâmes devant le phare de l’île Verte, où nous rencontrâmes plusieurs navires qui descendaient le fleuve. Comme ils reconnurent l’Artic ils nous firent des signaux de bienvenue, auquels nous répondîmes avec grand plaisir. À 7.30 h du soir nous nous trouvions en face de l’Islet, ma paroisse natale, où de braves amis signalèrent leur satisfaction de nous voir revenir sains et saufs des régions boréales en allumant de nombreux feux de joie le long de la côte. Il y eut alors à bord un service religieux, afin de remercier la Providence de nous avoir permis de retourner en bonne santé dans nos foyers sans qu’aucun accident ne se soit produit au cours de notre voyage. Le mardi, 5 octobre, dans la matinée, nous terminions notre croisière en mouillant par le travers du quai du Roi, à Québec. Peu après l’Artic était amarré à ce quai, et confié aux soins de l’agent local du ministère de la Marine et des Pêcheries.

mardi 29 septembre 2009

Ashe-Inlet

Le 21 septembreje débarquai à Ashe-Inlet, pour y placer sur une colline des documents attestant mon passage précisément à l'endroit où l'on avait jadis. établi un poste d'observation. En cette occasion je fis ajoûter quelques pierres à l'observatoire rustique dont je parle, afin de mieux protéger les documents que j'y laissais. De plus, je fis construire deux balises en bois sur la côte, appelées à faciliter l'accès du mouillage. Quand ces balises furent terminées, je les fis marquer de façon à indiquer que ces amers avaient été construits par l'équipage de l’Arctic. A midi, accompagné d'un second-maître et de quatre hommes, je me rendis au sommet de la colline la plus élevée, où un M.Tyrrel avait construit un amers lors d'une expédition antérieure. De cette colline nous apercevions très bien le détroit qui, à certains moments,était absolument exempt de glaces. Le jeudi, un vent grand frais du sud-sud-est, se fit sentir et nous obligea à donner 90 brasses de plus de chaîne à nos ancres. Comme la tempêtene faisait qu'augmenter, nous dümes mouiller deux ancres de plus à l'avant de l'Arctic, pour l'empêcher de chasser, et nous fîmes machine en avant très lentement. La rade de Ashe-Inlet n'est pas suffisamment abritée pour qu'un navire quelconque s'y trouve en sûreté par des vents du sud-est. Nous n'y fûmes pas entraînés à la dérive, mais nous avions dû nous préparer à faire machine en avant à toute vapeur si nécessaire. A 1.10 h. de l'après-midi, à la haute mer, les vagues grossirent beaucoup. Deux heures après, le vent s'étant calmé, je fis hisser les deux ancres supplémentaires, et, le lendemain matin, comme il ne faisait plus qu'une légère brise du sud-est et que la mer s'était calmée, nous mîmes deux embarcations à la mer pour débarquer plusieurs de nos hommes et :MM. McMillan et Jackson, les deux savants dont nous avons déjà parlé maintes fois. Quand tout le monde fut de retour à bord nous quittâmes la baie. A son entrée se trouvait un grand iceberg qui s'était échoué et au nord duquel nous passâmes. Quant à la balise dont nous avons parlé, elle a été placée pour marquer un rocher que la haute mer recouvre, sur le côté nord-est de l'entrée de la baie.

Le 25 septembre, le temps fut clair et il souffla une légère brise du sud-ouest. Nous mîmes toutes voiles dehors, et à midi, nous nous trouvions par 610 20' de latitude Nord et 660 40' de longitude Ouest. La déclinaison était de 54 degrés Ouest. Dans la matinée de cette journée nous rencontrâmes quelques glaçons, mais à midi nous n'aperçûmes plus de glace. Le temps se maintenait beau et le navire continuait à très bien marcher. A 9.30 h. du soir nous nous retrouvions à la hauteur des îles Button, et à minuit cet archipel se trouvait à 5 milles de nous dans le sud-ouest. Le temps était réellement superbe et il ne changea pas le lendemain, 26, ce qui nous permit de voir la terre dans l'ouest et d'apercevoir les premiers signes de la civilisation. Il était évident que nous approchions de nos foyers.

Le 27, nous passâmes à 12 milles du cap Mugford, que nous laissâmes dans le nord-ouest. Nous venions d'avoir deux jours et deux nuits de très beau temps, avec mer exempte d'icebergs, ce qui nous avait permis de suivre une bonne partie de la côte du Labrador sans la moindre difficulté. Comme le temps se maintenait au beau et était relativement chaud à cette époque de l'année, j'ordonnai à l'équipage de repeindre le bâtiment:. Le mardi, 30, à 2 h, du matin, du nid de corbeau, la vigie aperçut le phare deBelle-Isle devant nous, à une aire de vent près, Désirant beaucoup traverser le détroit pendant le beau temps, je passai devant Château-Bay sans m'y arrêter, Cependant, quand nous eûmes atteint la pointe Armour, j'envoyai le second lieutenant à terre, pour informer télégraphiquement le ministère de la Marine et des Pêcheries de l'arrivée de l'Arctic, Peu après, le vent d'Est mit fin au beau temps et il plut; néammoins, ayant mis dehors toute la toile possible, nous continuâmes à faire huit nœuds à l'heure,

mardi 22 septembre 2009

Nous recevons du courrier à Port-Albert


Dès notre arnvee, le second lieutenant fut envoyé à terre pour prendre le courrier, qu'après arrangements spéciaux, le baleinier Morning, de Dundee, devait nous avoir apporté à Port-Alber. En effet, grâce à l'obligeance de M. Robert Kinnes, de Dundee, Ecosse, armateur du Morning, nos lettres avaient été apportées à son poste de baleinier, à Port-Albert. Aucun navire baleinier n'était à ce moment sur ce point de la côte, mais notre courrier avait été confié à une femme indigène du nom d'Arrah, qui remit à notre lieutenant de nombreux paquets de lettres et de journaux. Les nouvelles que nous recevions tous étaient agréables et satisfaisantes, sauf quant au troisième lieutenant qui apprenait la mort de sa mère.

Nous passâmes une journée à terre, au milieu des indigènes, et M. Jackson, qui était officiellement autorisé à percevoir les droits de douanes versés par les navires marchands, s'enquit de l'arrivée de ces navires. Quant à M. McMillan il se livra à des recherches géologiques dans le voisinage de Port-Albert.

Comme les indigènes m'informèrent que l'on n'attendait pas d'autres bâtiments à Port-Albert, je décid'ai de faire route vers le Sud, tout en continuant nos observations le long de la côte, sans savoir, cependant, ce qui pourrait nous advenir quant à des avaries ou à la possibilité de nous faire prendre dans les glaces. Nous laissâmes du courrier à Port-Albert, pour que des baleiniers de Dundee le fassent parvenir au département de la Marine et des Pêcheries.

Nous levâmes l'ancre à Port-Albert ]e 3 septembre, passàmes devant l'île de Belœil, que nous avions ainsi nommée l'année précédente, et fûmes bientôt dans le voisinage de deux petites îles que nous portâmes sur les cartes, où elles n'existaient pas.


Port-Erik

A titre de renseignements nautiques nous donnons ici une description de Port-Erik, dont, en général, le nom ne figure pas sur les cartes. Ce port naturel qui est formé par un golfe profond, a environ 5 milles de large à son entrée et s'avance de 6 milles dans les terres. Comme des glaciers atteignent ses grèves et s'y précipitent parfois, il n'est sûr ni en hiver ni en été. De Port-Erik nous naviguâmes sur le cap Wedd, et aperçûmes 5 glaciers à la suite les uns des autres avant d'arriver à ce cap. Cette partie de la côte de la terre de Baffin n'était pas sans danger pour nous, car les icebergs y abondaient à tel point que, s'échouant sur le rivage, ils nous cachaient, la plupart du temps, les terres qui se trouvaient derrière eux. Nous naviguions alors par des fonds de 240 brasses et nous trouvions par 71 ° 32' de latitude Nord et par 70° 30' de longitude Ouest. C'est dire que nous étions dans une position dangereuse qui exigeait la plus grande vigilance, et ce fut pourquoi je restais alors sur le pont tout un jour et toute une nuit. Le ciel, qui était couvert, s'éclaircissait pendant quelques instants à de rares intervalles,

Le 5, dimanche, nous aperçûmes la terre des approches de Scott's-Inlet, à environ 14 milles de notre bâtiment. A 5 ou 6 milles à l'Est de l'entrée de Scott's-Inlet la côte est basse, mais nous apercevions le pic élevé et recouvert de neige appelé Peak-Hill et l'île du monument d'Agnès. A 7 h. du soir nous avions dépassé cette île et pénétré dans les terres jusque dans l'estuaire de la rivière Clyde, qui coule dans la direction de l'ouest-nord-ouest. Puis, nous mouillâmes dans le fond de la baie, à côté du baleinier-goélette Jennie.

lundi 14 septembre 2009

Mer libre

Reprenant la relation de la croisière de l'Arctic an point où je l'ai quittée, je rappellerai qu'à ce moment le vent commençait à se faire sentir beaucoup plus et que depuis un an, pour la première fois, le bâtiment se mit à rouler, ce qui ne manqua pas de faire plaisir aux marins du bord qui enfin se retrouvaient dans leur élément favori.

En effet, pendant 366 jours nous nous étions occupés à terre et sur les côtes, tantôt à faire des excursions, tantôt à traverser des détroits d'un passage difficile, où plusieurs modes de locomotion avaient été employés, mais toujours avec la sensation qu'on se trouvait .sur un sol ferme. Aussi, le rouli et le tangage du navire rappelaient-ils aux matelots leur genre de vie habituelle.
I
Le 30 août, à midi, nous nous trouvions par 73° 58' de latitude Nord et par 84° 23' de longitude Ouest; à 5 h. de l'après-midi, nous doublions le cap Crawford en passant à 5 milles au large. Vers minuit nous laissâmes derrière nous le cap Charles-York. Il .soufflait une violente brise du sud-est, mais la lune, qui était à son plein, brillait dans toute sa splendeur et nous permettait de jouir d'un spectacle grandiose. De grands cumulus sombres étaient visibles au delà des montagnes Byam-Martin de l'île Bylot, et l'on voyait les pics recouverts de neige qui, par cette nuit lumineuse, prenaient un aspect fantastique, accentué par leurs flancs abrupts et sombres qui contrastaient avec la blancheur de la neige et le bleu sombre de l'eau, où les rayons de la lune se reflétaient jusqu'au pied des falaises de la côte.

Le 31, nous nous trouvions par le travers de l'île Adam, alors qu'une forte bourrasque du sud, bien que nous fussions sous vapeur, nous empêcha d'y accoster. Nous fûmes donc obligés de louvoyer à la cape parmi des icebergs, afin d'attendre le beau temps. Nous avions maintenant l'île Wollaston dans l'est-sud-est, à trois milles de nous. A 4 h. de l'après-midi, nous prîmes de nouveaux ris dans notre grande voile et à 6 h. une saute de vent se produisit. Comme il nous venait maintenant de l'Oue.st, nous nous engageâmes dans 1e passage Navy-Board

Glaciers

A cette saison de l'année le soleil commençait à se coucher pendant quelque temps au-dessous de l'horizon; cependant, il faisait encore jour pendant 24 heures consécutives. A minuit, nous passâmes devant quatre grands glaciers dont l'aspect rappelait des rivières gelées qui seraient descendues d'une hauteur de 600 pieds en suivant le pente du sol. En arrière se trouvaient des montagnes assez élevées. A cette latitude il gèle beaucoup plus qu'il ne dégèle, et les glaciers qui se dirigent toujours vers la côte baignent leur partie inférieure dans les eaux du passage susdit.


Passage Navy-Board

Le 1er septembre tandis, que nous naviguions dans le passage Navy-Board le temps était brumeux et il bruinait. En face de la pointe Low nous aperçûmes une île d'environ un quart de. mille de long qui n'était pas portée sur les cartes, et un peu plus au sud, sur la rive opposée du passage, nous vîmes le cairn que nous avions construit au cours du voyage précédent de l'Arctic, sur la pointe Canada, ainsi nommée en souvenir du croiseur canadien, le Canada, le premier de nos navires de guerre qui ait porté des canons. Devant nous tout un chapelet d'icebergs s'appuyait sur le banc de la côte ouest de l'île Bylot, parsemée de hauts fonds dangereux, que les bâtiments peu familier,s avec ces parages doivent éviter d'assez loin. Au cours de ce voyage un incident se produisit qui retarda quelque peu notre arrivée à Port-Albert: pendant que nous étions sous toutes voiles quelques-uns des boulons de notre chaîne de gouvernail se rompirent par l'usure, ce qui nous obligea à nous servir momentanément du second mécanisme de gouvernail.


Rencontre de deux embarcations

Le soir, vers 7 h., la vigie signala deux embarcations qui ramaient vers nous. Immédiatement, nous mîmes le cap sur elles. Elles étaient montées par des naturels de la rivière du Saumon qui se rendaient à Port-Albert. C'étaient les premiers êtres humains que notre équipage voyait depuis que nous avions levé l'ancre à Etah, Groënland, le 19 août 1908. Nous prîmes ces gens à bord et poursuivîmesnotre route vers Port-Albert où nous mouillâmes par 20 brasses, à 9.15 h. du soir.

lundi 7 septembre 2009

Détroit d'Austin

Étant retourné à bord de l'Arctic qui avait mouillé, comme je l'ai dit, contre le bord de la banquise polaire, je fis virer de bord, et naviguai en descendant le détroit d'Austin pour atteindre le cap Cockburn de l'île de Bathurst. En cours de route, chaque fois que nous le pûmes nous recueillîmes des sondes. Nous passâmes au large du cap Schomberg qui se détache majestueusement de la côte. Le 22 août, nous trouvant à trois milles au large du cap Cockburn nous mîmes le cap de façon à laisser l'île Moore sur bâbord. A 9.30 h. du matin nous étions à un demi mille au sud de cette île. A partir du cap Cockburn nous sondâmes tout le temps, et constatâmes la présence de hauts fonds jusque dans l'Est de l'île Moore. Puis, nous dûmes carguer quelques voiles et naviguer vers l'île Baker. Le champ de glace qui encombrait la majeure partie de la mer, avait là une vingtaine de pieds d'épaisseur et nous barrait le chemin. Nous y attachâmes notre navire et recueillîmes des sondes d'heure en heure, par des fonds de 38 à 77 brasses. L' Arctic commençait à être menacé par les glaces. Nous dûmes manœuvrer de façon à parer l'île Moore, vers laquelle nous dérivions. Le 23, nous décapelâmes nos amarres pour éviter d'être pris dans la banquise, et comme le vent sauta au sud-est, nous mîmes le cap vers l'ouest, près de l'île Garret, après quoi nous doublâmes l'île Moore à 4 milles de sa côte. Nous étions obligés de consulter la sonde pour manœuvrer, ce qui nous conduisit vers l'île Browne que nous atteignîmes à midi, le 23 août, par 74° 50' de latitude Nord et 96° 25' de longitude Ouest. De là, sous vapeur, nous suivîmes une éclaircie dans la banquise et amarrâmes le navire à la partie de" celle-ci qui tenait à la côte: entre les îles Browne et Somerville, par 95 brasses de fond.

Marées

Les glaces venaient maintenant du sud-ouest, et leur mouvement nous permettait d'observer la direction des marées au large des îles Browne et Somerville. Le courant de jusant se dirigeait vers l'est et le flot vers l'ouest, nous enfermant dans les glaces, sans que nous puissions nous en échapper. Le 24 août, dans la matinée, la banquise commença à se détacher, ce qui permit à l'Arctic de se diriger vers la pointe Ross, où nous l'attachâmes à la glace qui tenait encore au rivage, par 74° 30' de latitude Nord et 96° 24' de longitude Ouest. A cet endroit, nous nous approvisionnâmes d'eau douce, sur un grand champ de glace d'environ 50 pieds d'épaisseur, qui se trouvait à deux milles au nord de l'île Browne. Les sondes que nous recueillîmes accusaient des fonds de 47 brasses. Le temps était beau et clair et le vent soufflait de l'est. M. Jackson en profita pour faire des observations magnétiques sur la glace.

Au large de l'île Griffith: Nous sommes pris dans les glaces et voyons des morses.

Le 24, alors que nous étions enfermés de tous côtés par les glaces et qu'il nous était difficile d'avancer, pour la première fois nous aperçûmes des morses pendant la nuit. Comme j'étais décidé à sortir de cette situation critique, je montai dans le nid de corbeau afin de trouver un passage dans les glaces qui pût nous permettre d'évoluer librement. Je restai toute la journée en haut du mât, confiant la manœuvre du bâtiment au premier et au second lieutenant à qui je donnais toutefois des ordres de la place élevée où je me trouvais. A midi, étant au large de l'île Somerville, je pouvais a percevoir l'île Griffith, à environ 11 milles. Nous étant efforcés d'aller de l'avant, nous parvînmes dans le sud-ouest de cette île, mais nous ne pûmes aller plus loin, ce qui nous obligea à nous rapprocher de la banquise pour éviter que le bâtiment fût jeté à la côte. Tout le détroit était couvert de glace qui dérivait. L'île Griffith est de formation calcaire. Nous nous trouvions alors si près d'elle que nous pûmes en prendre plusieurs photographies. Dans le sud-ouest, nous apercevions très bien le cap Walker, de l'île Russell. Voyant qu'il était impossible de naviguer nous décidâmes de remplir d'eau douce nos réservoirs et les chaudières du navire. Le 28 à 3 h. du matin, le soleil se leva dans un beau ciel; la glace commençait à se détacher et à se fractionner, créant de petits chenaux, dans lesquels, du nid de corbeau, je pouvais diriger le navire. A midi, nous nous trouvions par 740 34' de latitude Nord et par 940 45' de longitude. Ouest, sur des fonds de 77 brasses. Le bâtiment était maintenant complètement arrêté par des barrières de glace, formées apparemment par les glaçons qui avaient dérivés autour de l'île et s'étaient échoués sur plusieurs points à la fois.

lundi 31 août 2009

But de notre voyage au nord des îles de Melville et de Bathurst

A ce moment de notre croisière il n'est pas douteux que si l'Arctic eût pu franchir le détroit Byam-Martin, qui sépare la partie nord de l'île de Melville de celle de l'île de Bathurst, nous nous, serions rendus dans l'océan Arctique. Et ce, avec d'autant plus de satisfaction que si les contours dudit détroit ont été relevés des deux côtés, et ses caps baptisés de divers noms, on n'avait pas encore recueilli de sondes en son milieu, ni fait d'observations hydrographiques. Aussi, aurions-nous aimé à déterminer, pour la première fois, la profondeur de ce détroit, à y étudier le régime des marées, et à nous rendre compte d'autres particularités qui auraient largement compensé les hasards de notre navigation en ces parages. Notons que la pointe du Succès, de l'île de Bathurst, fut un lieu de rendez-vous bien connu des divers, groupes d'explorateurs qui, en 1852-3-4, vécurent dans cette région sous les ordres de sir Edouard Belcher, durant l'hivernage de l'Assistance sur la côte nord-ouest de la terre de Grinnell; et que, si l'on avait en partie relevé l'île Finlay, au nord de l'île de Bathurst, par contre, la mer, au nord-ouest de cette île, ne fut jamais explorée.

L'Ar-ctic était en parfait état pour s'avancer dans le Nord. D'où notre espoir d'atteindre une haute latitude, pourvu qu'il nous fût raisonnablement possible de nous avancer dans le N ord-Ouest. Il m'est donc difficile de dire combien je fus déçu, lors­que, au cap Key, je me trouvais en présence de la banquise polaire, qui nous était une barrière infranchissable.

Il est peut-être opportun de dire ici, à propos des glaces, que celles de formation polaire ont été tout particulièrement étudiées par le professeur Otto Peterson, de Stockholm, président de la Commission Internationale des études maritimes. De ses recherches il a conclu que la glace marine fond au-dessous du zéro C, et parfois même, lorsque soumise à une pression, à plusieurs degrés au-dessous de ce zéro. En outre, il a observé que la glace d'eau douce, provenant de la fonte de neiges qui contiennent des impuretés, se contracte avant de fondre. Aussi, espérai-je que la glace qui nous barrait le chemin pourrait disparaître à la suite des divers phénomènes qui produisent sa fusion: influence du soleil, contraction durant l'été et action des marées et de vents; ce qui pourrait permettre à l'Arctic de s'engager en toute, sécurité dans les chenaux des banquises soumises à la débâcle. Mais, nous n'apercevions aucun indice de la rupture et de la dérive du champ de glace. Bien que l'Arctic
grâce à sa forte membrure, fut à même de se frayer un passage à travers une embâcle récente, il lui était cependant impossible d'entamer une banquise telle que celle qui existait dans le chenal Byam-Martin. Bref, les énormes glaces qui s'étendaient dans le nord et dans l'ouest nous enlevaient tout espoir de poursuivre notre voyage dans cette direction.

Cependant, si nos instructions ne nous avaient pas ordonné de croiser dans les eaux du sud que fréquentent les baleiniers, peut-être un séjour au cap Key aurait-il pu nous récompenser de nos efforts et voir se réaliser nos espérances, mais j'en doute fort. De l'endroit où nous nous trouvions dans le détroit Byam-Martin, il nous était donné de voir toutes sortes de glaces polaires, baptisées de noms variés par les explorateurs de l'extrême-nord. C'est ainsi que nous voyions de vastes hummocks, composés de glaçons aux formes angulaires jetés au hasard les uns à côté des autres, avec entre eux de la glace d'eau douce provenant de la fonte des neiges; cependant que nous apercevions, aussi, de-ci de-là, de grands champs de glace unis et parsemés d'icebergs aux flancs polis par la fusion, que la mer avait charriés. Enfin, il y avait aussi de grands amoncellements de glace que cimentaient, pour ainsi dire, les flots congelés de la mer.

Lorsque les marées et les vents mettent en mouvement d'énormes masses de glaces, irrégulières comme celles-ci, et qu'elles viennent se buter sur les côtes des îles boréales, l'aspect des véritables montagnes et précipices qu'elles forment est absolument grandiose. Certes, il est fort difficile d'entamer des amas de glace aussi considérables, cependant un jour viendra peut-être où quelque brise-glace d'une grande puissance, parviendra à se frayer un passage à travers des banquises comme celle qui nous arrêtait. Il pénètrera alors dans l'océan polaire et permettra d'en étudier la géographie, la formation et le mouvement des glaces.

mardi 25 août 2009

McClure et la perte de l’Investigator

Comme au cours du voyage de l'Arctic nous nous sommes beaucoup intéressés aux explorations antérieures, j'en dirai ici quelques mots et, en particulier, entretiendrai le lecteur au sujet de certains voyages entrepris il y a plus d'un demi-siècle. En 1850, McClure partit de Londres, en compagnie du commandant Collinson, son supérieur, à la recherche de Franklin. Ces navigateurs passèrent par le détroit de Magellan, et s'arrêtèrent à Honolulu pour y faire des provisions. Ils montaient respectivement l’Investigator et l'Enterprise qui, pour entreprendre leurs recherches, se quittèrent à Honolulu et suivirent des routes différentes. McClure, le premier, se dirigea vers le détroit de Behring et poursuivit son voyage sans attendre Collinson, bien que le capitaine Kellett, qui se trouvait alors dans ces eaux, lui ait transmis l'ordre d'attendre son chef. L'Investigator était de plusieurs jours en avance sur l'Enter-prise. Il continua son voyage vers le Nord-Est et atteignit l'île Banks dont il suivit la côte nord~est, à la recherche de Franklin. Comme il n'avait encore rien trouvé, il s'engagea dans le détroit du Prince-de-Galles, qui sépare les îles de Banks et de Victoria. Mais ayant été surpris par les glaces l'Investigator hiverna dans ce détroit, 1850-51, non loin des îles de la Princesse-Royale, par 72° 50' de latitude Nord et 117° 35' de longitude Ouest, puis, quand il put de nouveau naviguer, il suivit la côte de l'île de Banks et la contourna jusqu'au nord, atteignant la baie de la Miséricorde. I’Investigator ne devait plus en sortir, puisqu'il y fut abandonné en 1853. Depuis, il fut peut-être emporté à la dérive par les glaces.

Après avoir abandonné son navire, McClure et son équipage traversèrent le détroit qui porte son nom. Il atteignit Winter-Harbour, et y laissa des documents explicatifs, sur le rocher de Parry, dans l'espoir d'informer sir John Franklin que l'Investigator se trouvait dans la baie de la Miséricorde. Ces documents furent retrouvés par le capitaine Kellett, après que McClure eut regagné son bâtiment. Ce fut alors que le capitaine Kellett envoya le lieutenant Pim et le Dr Domville, du Resolute, à la rencontre de McClure pour l'informer que le Resolute se trouvait là l'île Dealy, à peu de distance de Winter- Harbour.

Les papiers que Kellett laissa dans une cache, à l'île Dealy et que j'ai retrouvés, contiennent une description pathétique de l'affaiblissement et de l'émaciation de l'équipage de McClure, au moment où ces gens étaient sur le point d'abandonner l'Investigator. Le commandant Kellett qui, à l'époque était le supérieur de McClure, l'engagea à faire passer ses hommes à la visite et à demander des volontaires qui consentiraient à passer une nouvelle saison à bord de l’Investigator.

Les médecins firent rapport que les hommes de l'équipage de l' Investigator se trouvaient dans un tel état physique, qu'il leur était impossible de supporter les rigueurs d'un nouvel hivernage à bord de ce bâtiment, et que si on les y obligeait il en résulterait infailliblement un désastre. Cependant, les officiers, le charpentier et quatre matelots, hommes d'un grand courage, décidèrent de ne pas abandonner le navire. Mais. comme ils ne suffisaient pas à le manœuvrer, McClure n'eut rien de mieux à faire que d'abandonner l'Investigator. Ce fut donc avec le plus grand regret qu'il abandonna son navire à l'action des glaces et du vent. Avant d'en arriver à cette extrémité il fit cependant mettre en cache les provisions pour 66 hommes pendant quatre mois. Puis, il fit mouiller le bâtiment de façon à ce qu'il put à un moment donné être porté sur un haut fond, où il supposait que l'Investigator durerait encore pendant des siècles. Le célèbre navigateur se trompait, car lorsque durant notre croisière, nous visitâmes la baie de la Miséricorde, au printemps de 1909, il fut impossible aux hommes et aux officiers, qui s'y rendirent, d'apercevoir le moindre vestige de la cache ou du bâtiment dont nous parlons.

mardi 11 août 2009

Nous débarquons au cap Hotspur


Le samedi, 21 août, nous nous trouvâmes au large du cap Hotspur et accostâmes à une banquise apparemment très vieille. De là, nous pouvions apercevoir dans le Nord la pointe du Succès. A 8 h. du matin, je débarquai avec quelques hommes, construisis un cairn à environ un quart de mille du cap Hotspur et y laissai un document signalant notre passage. Je crois que jamais aucun bâtiment ne se rendit aussi au nord dans ce détroit, dont la côte fut suivie et relevée en traîneau ou à pied, alors qu'on en baptisa les points saillants, les caps, les golfes, etc.
En même temps, MM. Jackson, McMillan et deux hommes débarquaient d'une autre embarcation, le premier pour faire des observations magnétiques, le second pour chercher des spéci­mens de minéralogie.


Gestes des premiers explorateurs de l'Amérique arctique, d'après des documents trouvés à Winter-Harbour, sur l'île Dealy, etc.

Le moment de reprendre notre croisière dans les eaux boréales était arrivé. Aussi, l'Arctic allait-il maintenant naviguer, non sans difficultés, à travers des détroits et des pertuis encombrés de glace flottante. Comme j'avais lu les récits des navigateurs qui s'étaiet efforcés de découvrir les passages du Nord-Est et du Nord-Ouest, je m'attendais désormais à rencontrer de vastes champs de glace dérivant au gré des marées, et qui pourraient bien barrer notre chemin. Je dois dire, cependant, que j'entretenais quelque espérance de succès, attendu que les eaux où nous nous trouvions ne m'étaient pas inconnues, et que dans un précédent voyage je m'étais familiarisé avec les côtes de ces parages. J'avais, en outre, pris connaissance des relevés géographiques de cette partie du continent fais en ;1819- 20 par les fameux pionniers Parry et Liddon. Je n'ignorais pas, non plus, la configuration de l'île de Melville, celle des deux côtés du détroit de Lancastre et les relevés faits par les intrépides marins qui, de 1850 à 1854, recherchèrent les tr,aces de l'expédition de sir John Franklin et du capitaine Crozier.

J'étudiais alors sur place ce qu'avaient fait, avec de grandes difficultés non exemptes d'incertitude, les marins illustres que j'admirais,: Kellett, McClure, McClintock et Collinson.. J'étais curieux et très fier de pouvoir vérifier l'exactitude des rapports publiés par Parry, au sujet de son fameux voyage, et ceux dus aux commandants Kellett et McClintock-du Resolute et de l'Intrepid,--que le commandant Belcher avait chargés d'explorer: la partie ouest de l'île de Melville, les îles du Prince Patrice, de Bathurst, de Cornwallis, de Banks, de Victoria et toutes les petites îles de l'archipel.

Je ferai remarquer ici que les explorations poussées le plus au nord furent celles des officiers: Osborne, Hamilton et Richards que commandait Belcher, dont le navire l'Assistance hiverna dans Northumberland-Sound sur la côte nord-ouest de la terre de Grinnell. Au cours de ces différentes explorations des rendez-vous avaient été fixés: à la pointe du Succès, sur la partie Nord-Ouest de l'île Bathurst, et sur l'île Beechey, dans le détroit de Barrow. Le commandant Belcher qui était resté à bord de son bâtiment dans N orthumberland-Sound, communiquait avec les explorateurs à l'aide de traîneaux qu'il envoyait aux points de rendez-vous susdits. Il faut dire aussi que le navire North Star, capitaine Pullen, avait été envoyé au rendez-vous de l'île Beechey, où il tenait lieu de magasin de provisions, et qu'une habitation, devant servir de magasin proprement dit, avait été construite au même endroit.

jeudi 6 août 2009

Nous débarquons sur l'île Byam-Martin

Le 19 août, nous nous engageâmes entre les glaces et l'île Byam-Martin, et, grâce à maints efforts et à une vigilance continuelle, nous pûmes enfin naviguer librement et mettre le cap sur la pointe Gillman de l'île Byam-Martin, puis ancrer à 2 milles à l'ouest de cette pointe, par des fonds de 15 brasses. Je débarquai à la pointe Gillman et y trouvai le document que j'y avais laissé au cours du voyage de 1906. J'y joigni,s une nouvelle pièce, qui décrivait notre séjour à Winter-Harbonr, la date de notre départ de cette localité, les 60 milles de route que nous .avions faits dans le chenal Byam-Martin, et ceux qui nous avaient ramenés au sud de l'île de ce nom. Pendant que nous étions à mettre à leur place les documents dont je parle nous nous aperçûmes que la glace dérivait à l'horizon, aussi retournâmes-nous à bord en toute hâte. Cependant, notre .courte descente à terre, sur l'île Byam-Martin, avait suffi à nous faire remarquer des pistes de bœufs musqués et de rennes et aussi à nous permettre de ramasser des morceaux de charbon.

Afin de mettre notre bâtiment en sûreté nous naviguâmes vers l'Ouest et mouillâmes au large. Le vendredi, 20, je remarquai que la glace dérivait maintenant de l'Est à l'Ouest sans cause apparente. Son déplacement se faisait à la vitesse approximative d'un demi-mille à l'heure, par vent du nord-nord-est. Nous étions par 750 6' de latitude Nord et 1040 de longitude Ouest. Mon plus grand désir était maintenant de faire voile vers le Nord, par les détroits Byam-Martin et Austin, où j'aurais voulu recueillir des, sondes afin de me rendre compte si les fonds s'élèvent ou s'abaissent en montant vers le Nord-Ouest, ce qui m'aurait permis de me faire une idée de la topographie des territoires ou îles au nord-ouest des îles de Melville et de Bathurst. Ce désir ressemblait fort à de l'entêtement, vu que par deux fois déjà nous avions tenté de réaliser ce projet, mais je ne l'abandonnai pas encore, et décidai de remonter le détroit susdit aussi loin que les glaces me le permettraient.

lundi 20 juillet 2009

Chenal Byam-Martin et île Griffith

Je me décidai à voguer vers le nord en suivant le chenal Byam-Martin, je m'y engageai donc sur une distance de 27 milles, mais comme, au delà, ce bras de mer était absolument bloqué par les glaces, je fis amarrer le bâtiment à la banquise, dans l'espoir de trouver un passage quelconque. Malgré toute notre vigilance, nous étant trouvés dans l'impossibilité d'aller de l'avant, nous nous laissâmes dériver dans le sud et allâmes mouiller sous le vent de la pointe Griffith, par des fonds de 15 brasses. Le lendemain matin, MM. Jackson et McMillan se rendirent à terre pour faire quelques observations et recueillir des spécimens pouvant les intéresser.

Pointe Griffith, île de Melville.

Ainsi que je l'ai dit, cette île est très belle, nous en eûmes de nouvelles preuves en débarquant près de la pointe Griffith, où nous vîmes huit bœufs musqués, puis six autres le lendemain, 16 août. Nous laissâmes ces animaux paître en toute tranquilité, car notre but en nous rendant à terre était de recueillir des spécimens de toutes sortes, pouvant enrichir nos collections d'histoire naturelle. Dans cette occasion, nous recueillîmes quelques morceaux de charbon assez gros pour qu'ils puissent être analysés à notre retour, ou placés dans les vitrines du musée géologique d'Ottawa. En outre, sur un rocher élevé de 80 pieds au-dessus du niveau de la mer, à 2 milles à l'ouest de la pointe Griffith et à un mille dans les terres, nous érigeâmes un petit cairn de 5 pieds de haut.

Des collines où nous nous trouvions, nous vîmes que la glace s'en allait, ce qui nous engagea à faire route vers l'île Byam-Martin. A minuit, nous nous trouvâmes à 28 milles au nord-nord-est de la pointe Griffith, et rencontrâmes de grands champs de glace formés durant le dernier hiver. Nous en suivîmes les chenaux dans la direction du nord-est. Ils nous menaient vers l'extrémité nord de l'île Byam-Martin. A ce moment nous recueillimes maintes sondes par des fonds de 56 à 60 brasses. L'Arctic n'avançait que très lentement, et fut complètement arrêté par les glaces. Même, il commença alors à dériver en arrière vers le sud, avec les glaces, par des fonds de 108 brasses. Le lendemain matin, 18, le vent sauta au nord-ouest, devint très violent et refoula les glaces vers la terre. Pendant que nous dérivions avec la banqnise vers le sud-ouest, nous recueillîmes des sondes de 65 brasses. Nous n'apercevions alors qu'un étroit chenal qui suivait le rivage, mais nous eussions été peu sages de nous y engager. La glace contre laquelle nous luttions maintenant, appartenait à la banquise polaire dont elle s'était détachée, pour suivre le chenal qui sépare l'île Byam-Martin de la pointe Griffith.

lundi 13 juillet 2009

Départ de Winter-Harbour

Dans la nuit du 11 août nous fûmes obligés de tenir la machine constamment sous pression, afin de parer les glaçons qui dérivaient de notre côté sous la poussée du vent ; mais comme il finit par mollir, et que des chenaux s’étaient formés près de nous dans la banquise, nous nous empressâmes d’y engager le bâtiment; ce qui fit que le 12, à minuit, l'Arctic avait définitivement quitté les eaux de Winter-Harbour. A partir de ce moment, nous avançâmes en suivant le labyrinthe des éclaircies ou chenaux qui s'étaient formés dans les glaces. Le vent soufflait de l’Ouest, et il neigeait. un peu. Le bâtiment voguait avec la marée. Nous étions déjà arrivés à la hauteur du cap Wakeham; nous y fûmes pris dans les glaces et immobilisés toute la nuit. Nous aperçûmes la pointe Halse, mais nous ne pûmes la doubler en serrant la côte de près, à cause des hauts fonds qui s'y trouvent. Je m'aperçus alors que cette pointe s’avance plus loin que ne l'indiquent les cartes marines. On peut la reconnaître facilement par le grand nombre de glaçons qui s'y échouent, ce qui donne à cette pointe l’aspect d'un long chapelet de petits icebergs. Au large du cap Wakeham nous amarrâmes le bâtiment à une banquise, ce qui nous permit de remplir nos réservoirs d'eau douce. La jour­née était calme et brumeuse, mais avant sa fin une saute de vent qui nous valut une forte brise de l'ouest chassa le brouillard
et nous permit d'avancer lentement à travers les glaçons, jusqu'à 5 milles au large de l'île Dealy, alors que nous fûmes obligés de stopper. Le samedi, 14 août, nous laissâmes derrière nous l'île Dealy et voguâmes vers l’Est en suivant la côte de l’île de Melville. Le vent changeait souvent de direction, sautant de l’ouest au nord, ce qui contribuait à élargir les chenaux dans les glaces. Nous recueillîmes des sondes qui nous donnèrent des fonds de plus en plus grands, de 15 à 40 brasses. Il ventait maintenant très fort; nous amenâmes nos voiles, et fîmes route au vent vers le chenal Byam-Martin; où nous constatâmes qu'il y avait beaucoup de glace, mais très morcelée.

lundi 6 juillet 2009

Appareillage de l’«Artic»

Comme nous avions hâte de quitter Winter-Harbour et de poursuivre notre voyage, je fis appareiller l'Arctic pour qu'il fut prêt à partir le plus tôt possible. A titre d'essai je fis donc mettre la machine sous pression, et constatai avec satisfaction que les machines de propulsion, le treuil, le guindeau et les appareils électriques étaient en bon état. Le bâtiment calait alors 17 pieds 10 pouces à l’avant et 19 pieds 10 pouces à l’ar­rière; c'est-à-dire qu'il était en excellente condition pour entreprendre un voyage dans les glaces. Le 30 juillet la banquise de la baie se mit à dériver d’une vingtaine de pieds vers le sud­ouest. Comme je crois l'avoir dit, depuis quelque temps nous nous étions efforcés de pratiquer un chenal dans les glaces, afin de dégager l'Arctic. Ce travail avait avancé d'une façon satisfaisante. A la fin du mois le navire put changer de cap à l'endroit même où il avait passé l'hiver, la glace n'offrant plus à ce moment une résistance absolue. Cependant, avant de tenter quoi que ce fût pour mettre l'Arct'ic en marche, je m'en éloignai quelque peu avec le second, afin de constater l’état de la glace au large de la baie. J'éprouvai quelque jjoie de voir qu'elle fondait rapidement et dérivait. Le 2 août, en se comportant à la façon d'un brise-lames, l'Arctic put s'avancer vers l'entrée de la baie, par des fonds de 10 brasses. La banquise se détachait alors de la pointe Hearne et dérivait vers l'’Est dans le détroit.

C'est dire que maintenant nous allions quitter le lieu où nous avions passé de longs mois d1hivernage, tantôt constamment sous le soleil, tantôt continuellement dans les ténèbres, ce qui devait nous empêcher d'oublier notre séjour dans ces parages. Le 3 août, un vent violent souffla du nord-ouest, à la vitesse de 40 milles à l'heure. Cependant, comme j'avais encore des documents à laisser à terre, je me rendis sur les collines qui entouraient Winter-Harbour, et aperçus, de là, la glace qui dérivait dans le détroit. Une large crevasse, que je constatai alors dans la banquise, semblait nous promettre un prompt départ; aussi, fis-je embarquer immédiatement à bord tout ce qui était sur la côte et que nous voulions emporter. Parmi ces objects je citerai tout spécialement la tente de M. Jackson, le météorologiste, ses appareils, etc. Le 3 août, à 2 h. de l’après-midi, la banquise de la baie se détacha franchement du rivage et nous emporta à la dérive avec elle, vers l'extrémité d'un banc où la sonde accusait des fonds de trois bras'ses, et demie. Comme nous avions hissé nos ancres, je fis faire machine en avant à toute vapeur. Cela nous permit de dériver dans la baie, et de mouiller près de la balise principale. Dans le détroit, je l'ai déjà fait remarquer, la glace dérivait vers l'Est. A 8 h. du soir elle bloqua de nouveau la baie, mais comme nous étions constamment sous vapeur, nous pûmes nous avancer dans la partie intérieure de celle-ci et amarrer notre navire, qui était sur des fonds de 3 3/4 brasses d'eau, à marée basse. Le vendredi, 6, les parties extérieure et intérieure de la baie étaient fort encombrées de glaçons. L'impossibilité où nous nous trouvions de prendre la mer, m’engagea à me rendre à terre ,sur une colline élevée, pour voir quel était l'état de la glace au large de la baie. Dans le détroit elle dérivait toujours vers l'Est. Cette dérive était si considérable sur la côte de l'île de Melville, que du nid de corbeau il était impossible de voir la mer libre. Je fus donc obligé de continuer mes observations sur le mouvement des glaces. Dans ce but, je me rendis à Fife-Harbour en compagnie de M. Vanasse et de N. Chassé, pour me rendre compte si la mer était libre dans l'Est, direction que nous désirions prendre en quittant Winter-Harbour. Je ferai remarquer qu'en nous rendant à pied à Fife-Harbour, nous aperçûmes des morceaux de charbon tout le long de la grève, ·mais aucun gisement.

A 6 h. du soir, ce même jour, pendant que le navire virait sur ses ancres, il fut menacé par un grand glaçon qui dérivait sur lui. Nous fûmes obligés de donner de la chaîne pour ne point compromettre la sécurité du bâtiment. Le 8, nous fûmes de nouveau menacés de la même façon, par un glaçon qui en dérivant dans la baie entraîna notre ancre de bâbord à marée basse, ce qui nous fit talonner sur fond de vase. Aussi, dûmes-nous hisser nos ancres et faire machine en avant à toute vapeur vers la partie extérieure de la baie, où nous mouillâmes par 10 brasses de fond. Le 9, le vent souffla du sud, et le ciel demeura couvert. Ce vent poussa la glace sur la côte, mais comme la mer agissait sur la banquise et les glaçons, elle finit par les rompre, ce qui nous mettait à l'abri .de tout danger. A ce moment, je descendis de nouveau à terre, pour observer, d'une colline, le mouvement des glaces dans le détroit. Au cours de ces observations j’aperçus une troupe de bœufs musqués mais je décidai de ne point tirer dessus pour le moment. Par la suite nous les dirigeâmes vers le bâtiment et en tuâmes neuf. Il nous fallut tout un jour pour les dépouiller, les vider, et emporter leur viande à bord. En cette occasion nous capturâmes un veau qui fut transporté vivant sur l'Artic. Au moment d’attaquer ces bœufs musqués, leur chef, un mâle de forte taille, rassembla tous ses congénères et, seul, fit semblant de vouloir foncer sur nous. Il n'en fit rien, cependant, et après avoir décrit une courbe rejoignit le reste de la troupe .


Nous cherchons du charbon

Pendant notre séjour à Winter-Harbour, chaque fois qne nous le pûmes, nous ne manquâmes pas de chercher sur la côte des dépôts naturels de charbon. Aussi, comme le second-maître Vigneau disait avoir découvert un filon de ce combustible, je m'efforçai, à ce moment de mon voyage, de le localiser. MIais, à l'endroit signalé je ne trouvai que quelques morceaux de charbon isolés, apportés par l'eau et la glace. De filons ou de dépôts aucunes traces, ce qui ne manqua pas de nous décevoir considérablement. Car, rien ne désappointe plus que de voir des morceaux de charbon à la surface du sol, de chercher diligem­ment un filon que l'on croit voisin, puis de ne rien trouvé. Quelques jours plus tard me trouvant sur la pointe Reef en compagnie de M. Vanasse, nous vîmes, de nouveau, de ce charbon de surface, qui ressemblait à du cannel coal. Enfin, M. Vanasse en trouva aussi, apparemment de la même formation, près de la colline du N ord-Oluest.

A l'époque de l'année dont je parle, le temps, qui était beau, nous permit de recueillir un grand nombre de spécimens et de continuer les travaux que la venue du froid et du mauvais temps avait interrompus. Aussi, afin de vérifier les observations que nous avions déjà notées refîmes-nous un tour d'horizon de l'observatoire de Parry.

Le 9 juillet, avec cinq hommes, je construisis, sur la pointe Fife, un cairn de 10 pieds de hauteur où je plaçai un document relatant tout ce que nous avions fait dans ces parages, après quoi nous photographiâmes le cairn et là baie que forme en partie la pointe Fife. Seuls, de petits bâtiments peuvent mouiller dans cette baie. A ce moment la glace de la partie extérieure de la baie où était notre bâtiment fondait rapidement sous l'action de l'eau, mais elle avait encore 4 pieds d'épaisseur, cependant que dans la partie intérieure de la baie, sur les bords de lla crevasse des marées, elle en avait 5. Il n'y avait presque plus de neige ni à terre ni sur la glace. Le 12 juillet nous enverguâmes notre voile carrée. Dès lors nous nous préparâmes à quitter -Winter-Harbour le plus. tôt possible.

J’envoyai le second lieutenant et cinq hommes à l'île Dealy, pour réparer la cache qui s'y trouvait et y déposer des documents, signalant notre passage. Ces hommes devaient aussi construire des cairns sur les pointes Wakeham et Halse et sur le cap Bounty, et y laisser des documents. Quant à moi, en compagnie d'un matelot, je me rendis à terre à la recherche de charbon et constatai une fois de plus que le sol de l'île de Melville est meuble à sa surface, sans doute à cause de l'effet des glaces et du climat de la région. En cette occasion nos recherches n'eurent pas plus de succès que par le passé, car nous ne trouvâmes que quelques morceaux de charbon. Comme je me livrais à ces recherches, M. Vanasse, le second mécanicien et le second maître d'hôtel s'étaient rendus dans le même but dans la direction de la colline de la Table. Pendant que je cherchais du charbon, j’aperçus un nid de hiboux qui contenait six petits. J'en pris un et l’emportai à bord. A la même date, le second et le second-maître Lessard se rendirent à la pointe Hearne pour y laisser des documents. Eux aussi, tout en marchant, virent des morceaux de charbon, comme ceux dont nous avons parlé maintes fois. Toutes ces petites trouvailles contribuaient à me persuader qu'il existait peut-être des gisements de charbon dans ces parages. Aussi, le 17 juillet, en compagnie de A. Bouchard, je me rendis sur le lieu où le second avait aperçu des morceaux de charbon. Mais dès mon arrivée sur ce point je constatai que .des explorateurs avaient dû y établir un campement. Leur passage était signalé par des restes de vêtements en moleskine, du bois, un œillet de patte de voilure en cuivre, de vieilles boîtes de conserves en fer-blanc, et du charbon. Nous rapportâmes tous ces objets à bord pour mieux les examiner, tout en étant déçus, une fois de plus, quant à la découverte de gisements de charbon. Enfin, on ramassa aussi plusieurs morceaux de ce combustible sur la grève de la pointe Hearne. Ils y avaient été apparemment apportés par les glaces. D'après tout ce que j'ai vu de ce corps, durant notre séjour à Winter-Harbour, je suis porté à croire que ces morceaux aperçus sur plusieurs points, n'étaient pas éloignés d'une .grande masse de charbon de terre qui doit être presque en surface: peut-être même le long de la côte, en eau peu profonde, à proximité des localités où nous fîmes des recherches.

A l'époque de l'année dont je parle le temps était fort beau, et se prêtait à toutes sortes de travaux et à des excursions au loin. Aussi, M. McMiillan, le géologue de ll’expédition, décida-t-il d'aller faire des recherches sur les bords du golfe de Liddon. Il emmena, comme aide, le matelot Reuben Pike, qui passait à bord pour un débrouiillard. Pendant ce temps, J. Lessard allait jusqu'à 6 milles dans l’ouest du bâtiment, pour se rendre compte de l’état de la glace, qui, dit-il en revenant à bord, était très blanche et recouverte d’une épaisse couche d’eau. Nous étions maintenant au 20 juillet, et la débâcle commençait à se faire sentir dans la baie. Ce jour-là, bien que le vent fût du nord, nous entendîmes les premiers roulements de tonnerre de lla saison. La lecture des instruments nous démontra que la déclinaison magnétique étaiit de 940 Est, ce que nous attribuâmes à l'effet de l'électricité atmosphérique. Vers cette époque nous constatâmes la présence d'un grand lac à environ 4 milles dans le sud-ouest du bâtiment. Au retour de la promenade qui nous avait permis de faire cette découverte, nous tuâmes quatre superbes rennes avant d'atteindre le navire; puis, le 23, nous abattîmes un magnifique bœuf musqué qui, une fois dépouillé et vidé, ne pesait pas, moins de 350 llivres. Déjà arrivaient vers nous les canards et d’autres oiseaux sauvages, qui vivent dans l’’extrême nord tant que dure le court été de ces régions.

lundi 29 juin 2009

1er juillet, fête de la Puissance

Dès la fin de juin l'aspect des environs de l'Artic avait beaucoup changé. Les rennes avaient maintenant d'abondants pàturages, le bruit des ruisseaux se faisait entendre dans les ravins, et nous ressentions un réel plaisir à voir de nombreuses et grandes mares d'eau sur la glace de la baie, qui fondait sous l'effet des rayons solaires. Tout cela contribuait à nous laisser espérer une prochaine mise en liberté du bàtiment, que les glaces avaient étreint durant de si longs mois. Non loin de nous des rennes paissaient paisiblement, qui ne faisaient pas plus attention à notre navire que si c'eùt été un des icebergs de cette région polaire. Des eiders passaient à portée de nos fusils: nous eùmes la chance d'en abattre plusieurs.

Le 1er juillet, fête de la Puissance, fut célébré par tout le monde à bord. Pour la circonstance nous pavoisàmes l'Arctic, qui prit ainsi un air de gaieté, la journée étant très belle. Au dîner nous bùmes à la santé de la Puissance et de son premier ministre, puis nous nous rendîmes tous sur le rocher de Parry pour assister au dévoilement d'une plaque commémorative fixée sur une roche, et qui, longtemps, attestera aux yeux des futurs explorateurs de ces lointaines régions, l'annexion au Canada de tout l'archipel arctique américain. En cette circonstance je· prononçai un petit discours, ayant trait à l'importance de cette prise de possession, qui résultait de la cession que le gouvernement impérial fit au Canada, ]e 1er septembre 1880, de tous les territoires britanniques situés dans les eaux· boréales du continent américain et de l'océan arctique, depuis le 60e degré de longitude Ouest jusqu'au 141e degré dé longitude Ouest, avec le pôle géographique comme limite extrême dans le nord. Je fis remarqner à mes auditeurs et compagnons de voyage que nous avions annexé un certain nombre d'îles, une par une, et de vastes territoires continentaux, et que maintenant nous en étions à établir nos droits sur toutes îles et tous territoires compris entre les longitudes 600 à 1410 Ouest, désormais sous la juridiction canadienne. À ce moment nous poussâmes trois hourras en l'honneur du premier ministre et du ministre de la Marine et des Pêcheries du Canada, puis tout le monde se dispersa pour employer le reste de la journée à sa guise. La plupart de nos hommes, pourtant si rudes, se distrairent alors à la façon des jeunes filles: cueillant des fleurs sauvages qui abondaient sur l'île, ou ramassant une foule de menus objets présentant quelque intérêt.


Durant la première semaine de juillet l'équipage enleva les superstructures provisoires d'habitation, que nous avions établies sur le pont, et il en mit les matériaux dans la cale, afin qu'ils pussent servir de nouveau si nécessaire. Car, nous envisageâmes alors la possibilité de rester dans les eaux du nord pendant une autre année, et c'est pourquoi nous mesurâmes le pétrole combustible qui nous restait. Nous constatâmes que nous en avions brûlé plus de la moitié de la quantité apportée. Il nous fallait donc être parcimonieux de ce liquide si nous devions prolonger notre voyage. Puis, nous construisîmes plusieurs cairns sur différents points. L'un d'eux, que nous surmontâmes de trois barils, fut nommé cairn de l'Ouest. Il avait 10 pieds de base et 71/2 pieds de hauteur. Nous reconstruisîmes le cairn de Parry sur la colline du Nord-Est, et y apportâmes une plaque de cuivre où étaient inscrits les, noms des navires Hecla et Griper et les millésimes 1819-20, pour indiquer l'endroit où Parry avait laissé ses fameux documents historiques. J'ajouterai que, pour lui permettre de défier les attaques du temps, la plaque de cuivre dont je parle fut fixée sur une forte pièce de chêne assujétie sur le devant du cairn. Sur la pointe Fife nous construisîmes aussi un cairn d'environ 10 pieds de hauteur dans lequel nous déposâmes des documents relatant nos ohservations et nos gestes à vVinter-Harbour.

Ces travaux achevés je donnai l'ordre à l'équipage de hisser à bord les embarcations et les traîneaux. Il est vrai la glace était encore épaisse de 5 à 6 pieds, mais sous l'eau elle était très entamée à certains endroits. Le 3 juillet il plut, ce qui nous rappela que du ciel il pouvait tomber autre chose que de la neige. Le 4, nous aperçumes quelques phoques qui se prélassaient sur la glace, au delà de la crevasse formée par la marée.

lundi 15 juin 2009

Le soleil de minuit

Le lundi, 21 juin, le second procéda à des relèvements au compas, et, afin de déterminer la déclinaison magnétique de l'endroit, releva plusieurs azimuths à différentes heures du jour. Les résultats qu'il obtint étaient différents de ceux que nous avions obtenus précédemment: nous laissons aux savants de dire pourquoi. A ce moment de l'année le soleil de minuit atteignit sa position la plus élevée au-dessus de l'horizon, et son aspect était vraiment majestueux. Nous en fûmes tous plus ou moins émus: l'astre du jour par sa présence continuelle, ayant multiplié notre énergie et notre activité.
Ce 21 juin nous tuâmes quelques bœufs musqués, qui furent apportés à bord le lendemain. Après avoir été dépouillés et vidés leur viande pesait 908 livres. Or, comme maintenant ces animaux se nourrissaient d'herbe nouvelle et de mousse, je dois ajouter que cette viande était excellente.

Carte de la baie


Comme j'avais décidé d'établir une carte de la baie à l'usage des navigateurs, avec le second et un second-maître, je pris nombre de relèvements à différents endroits. Pendant que je prenais des relèvements, M. Vanasse et deux seconds­ maîtres construisaient un cairn sur la pointe Sainte-Claire, qui est un des points les plus importants de la baie.

M. Morin revient de l’île de Banks


A ce moment de notre voyage le second-lieutenant, M. Morin, revenait avec ses hommes d’une seconde expédition à l’île de Banks. Avec eux nous revenaient aussi le mécanicien en chef, Van Koenig, et le second-maître lessard, que nous avions fait stationner au cap Providence en l’absence de M. Morin, afin qu’il puisse faire des observations météorologiques générales, et étudier le mouvement des glaces dans le détroit. MM. Koenig et Lessard devaient en outre garder une cache de provisions, à laquelle pourraient se ravitailler les expéditions qui se rendraient en traîneaux aux îles de Banks et de Victoria. Le retour à bord de ces voyageurs y apporta une augmentation d’activité qui modifia avantageusement la monotonie de notre existence. En effet, les sujets de conversation n’allaient pas manquer désormais, nos voyageurs se plaisant à raconter ce qu’ils avaient vu et observé pendant leur absence.

mardi 9 juin 2009

Le printemps à l’Île de Melville

La journée du 13 juin fut belle et chaude et le ciel clair, aussi les effets de la chaleur solaire étaient-ils visibles partout. Au tour du bâtiment, la glace était recouverte d'eau, qui provenait de la fonte de nos remparts de neige. A ce moment le vent soufflait du sud. Pendant l’après-midi, nous nous rendîmes sur la colline du Nord-Est où une croix avait été érigée et au pied de laquelle, à cette date, nous priâmes pour remercier Dieu de nous avoir protégés durant le long hiver que nous venons de passer à Winter-Harbour, sous un ciel sans soleil, et toujours en but à un froid intense et à des tempêtes violentes. Vingt-et-un des membres de la croisière étaient présents à cette manifestation religieuse.
Le lendemain, le vent du sud-ouest souffla très fort, mais il fit beau et le ciel se maintint clair. Nous commencions à apercevoir de nouveau des troupes de bœufs musqués, qui se déplaçaient sans cesse à la recherche des premières manifestations de la végétation boréale. Trois grands bœufs musqués ayant été aperçus, à environ trois milles dans le nord du bâtiment, nous nous mîmes à leur poursuite. M. Frank Hennessey et moi-même en tuâmes deux, et le matelot Tremblay le troisième. Ces animaux furent dépouillés et leur viande apportée à bord. Cette viande était bonne et tendre, mais beaucoup moins grasse que celle des bœufs musqués tués en automne. Quant aux peaux elles n'avaient guère de valeur, ces animaux perdant leur toison à ce moment de l'année. La clémence de la température invitait maintenant nos hommes à s'éloigner du bâtiment pour chasser. Cela n'était pas sans danger, car ils risquaient de se faire attaquer par des fauves

Même, l'un des nôtres eut à faire face à un ours qui se jeta sur lui au cours d'une de ces expéditions de chasse. Aussi, comme j’avais conscience de mes devoirs, quant à la sécurité de l'équipage, je mis fin à ces parties de chasse par trop dangereuses, et ce, d'autant plus que non seulement l’on avait à redouter les animaux sauvages, mais qu'il fallait aussi craindre les traîtrises de la glace, qui fondait rapidement, et recouvrait des crevasses où l'on risquait de s'engloutir.

Nous créons un chenal dans les glaces.



A Winter-Harbour la glace était tellement épaisse, même en juin, que nous ne pouvions guère espérer en sortir sans créer un chenal à travers la banquise, pour dégager notre bâtiment. Mais comme j'avais prévu cet état de choses, j'avais fait déposer les cendres provenant du navire le long du chenal projeté. Ces cendres absorbaient maintenant les rayons du soleil, facilitaient la fusion de la glace et diminuaient d'autant le travail manuel de la création du chenal en question. Le 17 juin, nous fûmes témoins, d'une éclipse partielle de soleil, qui commença à 10 h. 57 m. 10 S., temps moyen de Greenwich, fut à son maximum à 12 h. 3 m,. 30 s., et se termina à 13 h. 0 m. 30,s. Avec nos lunettes marines, nous pouvions apercevoir trois taches noires dans le soleil. MM. Jackson et McMillan observèrent ce phénomène de leur tente.
Le 18 juin, le second et 8 hommes se rendirent sur la pointe Hearne, pour y construire une grande balise à l'entrée de la baie en venant du large

lundi 1 juin 2009

Nos explorateurs reviennent de la baie de la Miséricorde

Le11juin, les 7 hommes qui avaient été envoyés à la baie de la Miséricorde avec le troisième lieutenant C. W. Green étaient de retour à bord. Ils avaient eu pour mission d'examiner le cairn érigé par le lieutenant McClure lors de son voyage de la mer de Behring à l'île de Banks, et de déterminer l'emplacement d'un filon de charbon situé à 9 milles du cap Hamilton. En outre, le lieutenant avait reçu l'ordre de rechercher les vestiges ou l'épave du navire l’Investigator abandonné, en 1853, par le capitaine McClure, et aussi, de rechercher un grand dépôt de provisions, etc., qu'en 1854, : McClure et le capitaine Krabbie avaient laissé dans ces parages.

Afin que l'on ne confonde pas les divers groupes d’explora­teurs dans leur marche, je ferai remarquer ici que le lieutenant Morin avait été envoyé en avril à l'île de Banks et qu'à son retour à l'île de Melville il avait rencontré Green et ses hommes, se rendant à la baie de la Miséricorde. Green, dans son rapport, parle de l'état d'épuisement dans lequel se trouvaient Morin et ses camarades, épuisement que Green signale à son tour chez lui et ses hommes, pendant son voyage de retour à l'île de Melville. Quant aux difficultés et aux privations elles furent les mêmes, ou à peu près, pour les deux groupes d'explorateurs, au cours de leur voyage de retour à bord. Dans les deux cas les explorateurs manquèrent de nourriture, les ours ayant détruit leurs provisions, et il leur aurait été impossible de terminer leur voyage s'ils n'avaient reçu des secours immédiats. La narration de chacun des voyages entrepris sous les ordres de Morin et Green donne, sous une forme abrégée, un intéressant compte rendu des difficultés et des rigueurs que durent endurer ces marins, pour rapporter à la civilisation les documents laissés dans les régions boréales par les premiers explorateurs qui suivirent le passage du Nord-Ouest. Tous ces efforts ne devaient pas être sans succès, car ils permirent de retrouver des vestiges des cairns construits par McClure et de confirmer la narration de son voyage de la mer de Behring à l'île de Banks. Il est bon de dire, cependant, que les documents auxquels il est fait allusion dans les pièces authentiques, que nous avons découvertes sur l'île de Melville et que nous publions dans ce rapport, ne furent trouvés ni par le lieutenant Morin ni par son collègue Green. Mais, il est évident que la preuve du passage de McClure à la baie de la Miséricorde, ressort des pièces publiées et des vestiges de cairns et de dépôts de provisions trouvés par ce hardi navigateur sur divers points de l'île de Banks.


Relèvements et amplitudes


Le 12 juin comme il faisait beau temps, de la poupe du navire, nous fîmes un tour d'horizon, et procédâmes au relèvement de toutes les balises. Nous fîmes aussi le relèvement de tous les principaux points du voisinage, à partir du cap Bounty jusqu'à la pointe Hearne, en visant successivement la pointe Reef, la colline du Nord-Est, celle du Nord:Ouest, le rocher de Parry et la pointe Vanasse. Nous relevâmes aussi tous les mâts de pavillons que nous avions plantés dans la glace, sur les points où nous avions recueilli des sondes. Ces relèvements furent pris dans le but de dresser une carte des parties intérieures et extérieures de la rade de Winter-Harbour. Nous nous livrâmes à ce travail à plusieurs reprises, et à des heures différentes du jour, car les observations faites le matin ou le soir sont plus exactes que celles du midi. En autre, nous observâmes plusieurs amplitudes à différentes dates, le matin, le midi et le soir, pour déterminer la déclinaison magnétique. Nous constatâmes qu'elle variait de 103° à 98°. Est, ce que nous ne pouvions nous expliquer, le vent soufflant de différentes directions au cours de nos observations, et le soleil étant plus brillant et plus chaud à certains moments qu'à d'autres. Il est très probable que les écarts de déclinaison n'étaient pas étrangers aux variations de la température aux différentes heures du jour. Le météorologiste qui était avec nous se livra à terre aux mêmes observations. Il obtint les mêmes résultats, bien que ses instruments fussent meilleurs que ceux que nous avions à bord. Bref, nous déplaçâmes le compas, le mîmes sur des piliers de glace: toujours nous trouvâmes les mêmes résultats, ce qui prouve que l'aiguille aimentée n'était pas, à bord, influencée par des actions perturbatrices locales.

lundi 25 mai 2009

Zoologie boréale, ophtalmie et balises

… je continue la narration des observations et des faits les plus importants, notés quotidiennement à la fin de mai et au commencement de juin, parce qu'ils influèrent sur notre voyage, et aussi, afin de donner au lecteur des renseignements généraux touchant la zoologie boréale. Le 25 mai, après s'être rendu à la pointe Hearne et avoir exploré plusieurs parties de l'île, M. McMillan, géologue, revint à bord. Il nous fit part que ceux de nos hommes qui avaient accompagnés le lieutenant Green jusque dans le détroit de McClure étaient retournés en bonne santé au cap Providence. Cependant, quelques-uns de ces hommes souffraient d'ophtalmie causée par la vue de la neige, bien qu'ils eussent emporté des conserves. Mais ces lunettes ne rendaient pas toujours de bons services, étant donné la nuance peu convenable de leurs verres, qui n'empêchait pas les rayons solaires réfléchis par la glace d'affecter la vue. Le groupe dont il s'agit retourna à bord le 29 mai, commandé par Thomas Holden, l'ophtalmie ayant presque aveuglé le second-maître Chassé. Au cours de leur voyage, ces hommes avaient tué plu­sieurs lagopèdes. De notre côté, nous venions d'entendre, pour la première fois, le cri caractéristique d'oiseaux qui émigraient vers le nord. Le 1er juin, ainsi que je l'ai dit, à cause du mauvais temps, il fallut momentanément discontinuer la cons­truction des balises en pierre. J'en profitai pour faire sortir de la cale de l'avant les provisions dont nous aurions besoin pendant un mois. A ce moment, nous nous aperçûmes que nous étions obligés d'enlever les provisions de 6 mois pour atteindre le charbon qui se trouvait au-dessous.

Le 3 juin, nous reprîmes les travaux de construction des balises, pendant qu'avec le charpentier je construisais les barils que nous comptions placer à la partie supérieure de ces amers. Le 5 juin, nous recueillîmes un certain nombre de sondes au delà de la baie, et constatâmes que la glace avait à cet endroit 91 pouces d'épaisseur. Je me rendis à 4 milles dans le sud du navire et ne pus apercevoir la mer libre. Le 7, je fis sonder la baie sur les alignements fournis par les amers: il y avait au moins 7 brasses de fond. Je fis ensuite peindre par les hommes les balises que nous avions construites: en blanc celles qui avaient pour fond le paysage environnant, et en noir celles qui se découpaient sur le ciel. Ces balises étaient solidement cons­truites, et celles placées le plus avant dans les terres avaient un diamètre de 9 pieds à la base et 8 pieds de hauteur; les autres, plus petites, étaient établies sur terre ou sur les rochers de la côte

lundi 18 mai 2009

Poursuivons le récit des travaux d’intendance


Nous avions à bord trois chronomètres, dont l'un s'arrêta le 20 mai, sans doute à cause de l'humidité qui pénétrait dans la chambre où il se trouvait, chaque fois que l'on ouvrait la porte de la cabine pour aller examiner l'échelle de marée ou se rendre compte de la direction du vent. Ce chronomètre continua à marcher par la suite quand il faisait beau temps, mais il fallut tenir compte de ses écarts. Je ferai remarquer ici que si notre anémomètre enregistrait automatiquement les parti­cularités du vent, notre échelle de marée nécessitait au contraire des observations de dix minutes: une demi-heure avant la haute-mer, et une demi-heure avant la basse-mer. Entre ces deux phases, la lecture de l'appareil était faite toutes les heures. Le 23 mai la journée fut désagréable, le vent qui soufflait du nord amoncelant la neige, ce qui nous empêcha tous de quitter le bâtiment. Il y eut, ce jour-là, service religieux à bord, auquel assistèrent les membres de l'expédition. Le reste de la journée fut consacré à la lecture. Je ferai remarquer que quelques-uns des livres que nous avions à bord n'étaient pas aussi instructifs qu'ils auraient pu l'être, et que, si l'on donne aux hommes des relations de voyages, ou des ouvrages traitant d'histoire ou de choses utiles, ils s'adonnent avec satisfaction à l'étude.


La fête Victoria


Nous chômâmes le 24 mai, jour de la fête Victoria. En cette occasion je fis pavoiser le bâtiment, en souvenir du règne glorieux de notre défunte souveraine. Officiers et hommes de l'équipage descendirent à terre pour s'y distraire à leur guise. Tous retirèrent le plus grand bien des promenades qu'ils firent à cette date, après avoir vécu si longtemps à bord. A l'heure du dîner tout le monde était de retour. Nous mangeâmes des grillades de viande d'ours. A bord de l'Arctic ce mets était passable, mais il ne le serait peut-être pas au milieu de la civi­lisation. Quelques discours furent prononcés, en réponse aux santés portées au dîner de ce jour férié.


Balisage de Winter-Harbour


Nous employâmes les belles journées du reste du mois à ériger des balises en pierre sur la côte de Winter-Harbour. Nous avions dressé une carte de ce port, maintenant nous le balisions, afin d'assurer la navigation du bâtiment vers l'un de ses points, où l'Arctic avait déjà mouillé à son arrivée. Durant la dernière partie du mois de mai le temps ayant été variable, nous dûmes parfois interrompre nos travaux à cause des bour­rasques et des bancs de neige. Il faut dire que nous avions décidé de construire onze amers en pierre, afin d'assurer la sécurité de la navigation. Car, bien que la baie soit assez pro­fonde pour les navires d'une grande calaison, dans l'alignement des balises, elle est exposée aux vents tempétueux de cette région. Nous eûmes, du reste, l'occasion de le constater maintes fois, et tout particulièrement à la fin de mai et le 1er juin, alors que nous essuyâmes un véritable cyclone d'une vitesse de 80 milles à l'heure qui amoncela la neige à vue d'œil. C'est dire qu'il nous fut impossible de travailler au dehors du navire à cette date. A ma grande surprise j'appris que les bourrasques qui nous avaient fait suspendre nos travaux, ne furent pas ressenties par ceux de nos hommes qui se trouvaient au cap Providence. Apparemment, cela tient à ce que les vents qui viennent du nord-ouest après avoir traversé la baie Hécla et Griper, et le golfe de Liddon, passent au-dessus de Winter-Harbour. (La baie Hécla et Griper fut ainsi nommée par Parry, en souvenir des navires de ce nom qu'il commanda.). Quoiqu'il en soit de ces vents violents, leur absence au cap Providence, qui n'est qu'à environ 35 milles marins dans l'ouest-sud-ouest de Winter-Harbour, explique pourquoi il fait beaucoup plus doux en tout temps au cap Providence que dans la baie dont je parle. Au surplus, la force moyenne mensuelle du vent était beaucoup plus élevée à Winter-Harbour que partout où nous avions déjà passé l'hiver, mais, par contre, l'atmosphère y était plus claire.

En somme, sauf l'inconvénient des grands vents, cette baie convient très bien à l'hivernage, à cause des crevasses que les marées produisent dans ses glaces: crevasses qui, au printemps, permettent aux bâtiments de regagner les eaux libres par leur propres moyens. Car, il n'est pas sage de se faire prendre dans une baie ouverte, parce que, au printemps, quand toute la glace de la baie dérive, elle emporte avec elle les bâtiments qu'elle retient. Telle fut la cause de la perte des navires de plusieurs expéditions, entreprises dans les parages où se trouvait l'Arctic. Pris dans les glaces ils furent emportés par elles, sans pouvoir s'en dégager à temps.

En outre, vVinter-Harbour est une excellente localité pour se procurer de la viande fraîche. Pour notre part nous n'eûmes aucunes difficultés à nous en procurer, en automne, en hiver et au printemps. Je ne, sache pas qu'aucune autre expédition ait jamais eu autant de viande fraîche, dans l'arctique, qu'il s'en trouva à mon bord, sur la côte de la belle île de Melville. Winter­Harbour se trouve donc dans une contrée très giboyeuse, et le lecteur l'a déjà remarqué sans doute. C'est à cela que j'attribue l'absence du scorbut durant notre séjour à l'île de Melville; scorbut qui fait la terreur des explorateurs de l'arctique, obligés de manger par trop de salaisons. Je renouvelle donc ici, et avec plus d'instance, si possible, à propos de l'île de Melville, les conseils que j'ai donnés quant à l'adoption de règlements de chasse, principalement pour la terre d'Ellesmere et autres lieux. Car, l'île de Melville est probablement appelée à devenir le rendez-vous des bâtiments en croisière dans l'arctique, et l'un des principaux points où se fera sentir, dans l'extrême nord, l'influence grandissante de la juridiction canadienne.

lundi 11 mai 2009

Calfatage de l'Arctic et sondage de Winter-Harbour.

Le 11 mai, comme la neige qui entourait les œuvres mortes du navire avait disparu, je donnai l'ordre au charpentier et aux matelots de calfater le bâtiment; en même temps, avec le second, je commençai à recueillir des sondes dans la baie. Nous continuâmes ce travail jusqu'à la fin du mois. A ce moment de l'année nous commençâmes à voir des perdrix, dont la première fut tuée d'un coup de fusil tiré du pont du navire. Au cours de notre première semaine de travail dans la baie nous en fîmes la triangulation, et repérâmes ses points principaux. Puis, avec le charpentier du bord, j'altérai un traîneau d'expédition destiné à un second voyage de M. Morin, et rem­plaçai les garnitures en os de baleine des patins par des garni­tures en acier, qui sont bien préférables au printemps. Déjà, le second lieutenant se préparait à faire un nouveau voyage à l'île de Banks. Il se mit en route le 17, comme il commençait à pleuvoir pour la première fois depuis l'hiver. Dans sa nouvelle expédition M. Morin était accompagné par les matelots William Doyle, William LeBel et Reuben Pike, plus M. Koenig, mécani­cien en chef, et le second-maître J oseph Lessard, qui firent route avec eux jusqu'au cap Providence. Nous nous attendions à ce que ces explorateurs rencontrassent le groupe sous les ordre de M. Green qui, maintenant, devait être en route, revenant du cap Providence, après avoir accompli sa mission à la baie de la Miséricorde, à destination de laquelle il était parti le 1er mai. Nous espérions que si M. Morin ne rencontrait pas Green et les siens, il pourrait, tout au moins, se rendre compte s'ils n'étaient pas en détresse. Je donnai ordre au second lieute­nant de déposer des documents commémoratifs sur les îles de Victoria et de Banks, d'y rechercher la présence de filons de charbon dont il déterminerait la position, et enfin, de rapporter à bord tous les documents qu'il trouverait au cours de son voyage. Le 18, il souffla une forte brise du nord-ouest, propice aux explorateurs déjà en route depuis la veille.



Chasses de printemps

De nouveau nous commencions à apercevoir des bœufs mus­qués en grand nombre. Nous en tuâmes 13 pour avoir de la viande fraîche, et capturâmes vivant un jeune veau, qui fut confié au maître d'hôtel et aux garçons de table. Ils le nour­rirent de lait concentré et de bouillie de farine d'avoine. J'or­donnai à tous les hommes disponibles de rapporter à bord l'ex­cellente viande des 13 animaux tués.

Toilette du bâtiment

Nous employâmes le reste de la semaine à gratter les boise­ries du navire et à le nettoyer dans le but de le peindre pro­chainement; puis nous inspectâmes complètement l'Arctic et il fut repeint dans toutes ses parties, y compris la chambre des machines. A ce moment notre navire était en meilleur état que lorsqu'il quitta le quai pour entreprendre sa longue croisière. Durant l'hiver il nous avait offert un abri assez confortable, nul n'ayant eu à souffrir à bord, sinon à la suite d'imprudences personnelles ou d'un manque d'énergie. Que, si durant notre séjour dans les glaces de la literie fut mouillée: par l'humi­dité pénétrant par les portes fréquemment ouvertes, par la va­peur venant de la cuisine ou par celle de la liquéfaction de la glace destinée à l'eau potable, toujours nous donnâmes l'ordre de faire sécher cette literie dans la chambre des machines, ou près des poêles. C'est dire que si quelqu'un eut à souffrir le moindrement de cet état de choses, il faut l'attribuer à un manque de discipline de la part des hommes, et à leur désobéis­sance.

lundi 4 mai 2009

Le soleil de minuit

Pendant que O-J Morin et son groupe, ou ce qui en reste, tentent d’atteindre l’île de Banks la vie se poursuit sur et autour de l’Arctic

Le 2 mai fut pour nous une journée remarquable, le soleil, n'étant pas descendu au-dessous de l'horizon pendant 24 heures. La température montait rapidement, le 3 mai elle fut de 4 degrés au-dessus de zéro. Nous rapportâmes à bord les provi­sions que nous avions déposées provisoirement sur la glace, et fîmes certains préparatifs, précurseurs des travaux de prin­temps. Le changement extrême d'une nuit perpétuelle en un jour ininterrompu permit d'entrevoir de satisfaisantes explorations sur terre, et la fonte de la banquise qui depuis de longs mois nous emprisonnait comme dans un étau. Le 3 mai, grâce à la continuité de la chaleur solaire pendant 24 heures, nous vîmes pour la première fois, depuis longtemps, de l'eau à ciel ouvert.

A cette date, M. Jackson, le météorologiste, me fit part des résultats qu'il avait obtenus au cours de trois observations qu'il avait faites dans son voyage au cap Bounty…

…Nous en conclûmes que la déclinaison avait diminué depuis l'époque où Parry l'avait observée. A Winter-Harbour, lors du séjour de l'Hecla et du Griper, en 1819-20, elle était de 127 degrés, et seulement d'environ 98 degrés Est lors du séjour de l' Arctic, au même endroit, en 1908-9. On conçoit que ces variations de l'aiguille aimantée rendent difficile la navigation dans la zone arctique. Aussi, lorsqu'il s'agit de voyager en traîneau, on ne peut guère s'orienter exactement que d'après la position du soleil ou des astres. C'est pourquoi si nos voyageurs emportaient des compas, ils ne s'en servaient pas par le beau temps. Chacun de ceux de nos officiers qui commandait une escouade d’explorateurs, partis comme nous l'avons dit, avait en poche une carte de route sur laquelle était marquée la position que devait occuper le soleil toutes les vingt minutes, pendant les 24 heures du jour astronomique. Naturellement, cette carte ne pouvait convenir que durant la période de l'année où la lumière du soleil brille continuellement. Puisque je parle maintenant de nos explorateurs, je ferai part du regret que je ressentis de n'avoir pu disposer d'attelages de chiens pour leurs traîneaux. Car, si nous avions eu de ces animaux nos explorations et nos voyages auraient été plus rapides, nous aurions pu voir plus de pays, les recherches de nos savants auraient été plus complètes, et ceux des nôtres qui se rendirent à l'île de Banks auraient enduré beaucoup moins de fatigue. Nul n'ignore, en effet, que l'on voyage très lentement, et avec de grandes difficultés, quand on est obligé de tirer après soi les provisions dont on a besoin, tout en marchant sur une couche de neige peu résistante…

…Au cas où l'on entreprendrait de nouveau de pareilles expédi­tions, je conseille l'emploi de chiens d'attelage, et désirerais que l'on s'en procurât une centaine si l'Arctic devait accomplir une mission analogue à celle de 1908-9…

Observations ichtyologiques faites à Winter-Harbour

Le 6 mai, comme l'eau était visible à l'arrière du bâtiment, j'y vis quelques poissons et parvins à en capturer trois à l'aide d'un panier, dont l'un avait environ 4 pouces de long, et appar­tenait à la famille des corégones. Je recueillis aussi quelques mollusques, tant est riche la faune de ces eaux boréales. Je donnai à M. Frank Hennessey les poissons que je venais de prendre, parce qu'il est assez bon taxidermiste et qu'il avait mission de rédiger un rapport sur les quadrupèdes, les oiseaux, les pois.sons, etc., que nous capturerions durant notre expédition.


Nos explorateurs reviennent de l'île de Banks

Le 8 mai, les cinq hommes qui avaient accompagné les traîneaux de l'expédition qui se rendait à l'île de Banks, revin­rent à bord et m'informèrent qu'ils avaient accompagné Morin jusqu'à 30 milles au sud-ouest du cap Providence. A leur retour ils avaient rencontré Green et les siens, qui se dirigeaient vers l'île de Banks, tout le monde était en parfaite santé. Mais M. Green ayant appris que M. Morin trouvait que son grand traîneau était très lourd, donna ordre à ces hommes de retourner auprès de cet officier, afin de l'aider à traverser le détroit. Ayant rejoint M. Morin, celui-ci leur dit d'aller l'attendre pendant douze jours au cap Providence, puis, ce laps de temps écoulé, de s'en retourner à bord. Or, comme, après les douze jours en question, M. Morin n'était pas revenu, ces cinq hommes avaient quitté le cap Providence pour regagner l’Artic. Le 10 mai, M. Morin et ses compagnons de route, Napoléon Chassé et Reuben Pike, qui avaient été envoyés aux îles de Banks et de Victoria pour les annexer, étaient de retour à bord…


…Morin, Chassé et Pike annexèrent les îles de Banks et de Victoria, au cours de leur voyage et en laissèrent la preuve dans un document qu'ils placèrent sur le cap Russell. Document qui relate l'annexion de ces deux îles.

lundi 27 avril 2009

Dure semaine pour O. J. Morin et ses compagnons

28 avril. Température: 2 heures du matin; 7 degrés au-dessous de zéro; vent de l'ouest de 5 à 6 milles à l'heure. J'envoie sur la pointe Peel, de l'île de Victoria, mes deux compagnons de route, Napo­léon Chassé et Ruben Pike, pour qu'ils prennent possession de cette île au nom du Canada, et visitent le cairn qui y fut érigé, en 1851, par le capitaine Collinson. Quant à moi, traversant le détroit du Prince de Galles sur de la glace unie et récente, je me rendis sur la montagne de l'Observation, ainsi nommée par McClure et située sur la côte Est de l'île de Banks à 16 milles de l'entrée du détroit. Au cours de cette journée, je vis sur le détroit: deux ours polaires et trois lièvres. Mais je cherchai en vain le cairn érigé en 1850, par McClure, sur la montagne de l'Observation, dont le sol a la même composition que celui de la pointe Russell, ce qui me con­duisit aux mêmes conclusions quant à la destruction probable du cairn érigé sur cette montagne. Après quatre heures de recherches, je rebroussai chemin, mais une terrible tempête s'élevait sur ce désert glacé, et la neige fine poussée par le vent du nord m'aveuglait presque complètement. Je poursuivis ma route à travers le détroit jusque sur le côté Est du cap Parker, et n'atteignis notre campement qu'après avoir marché 33 heures. J'étais épuisé et souffrais d'un commencement d'ophtalmie causé par la vue de la neige. C'est à peine si je pouvais voir quoique ce fut. Il était maintenant 11 heures du matin, le 29 avril. Mes camarades atteignirent la pointe Peel de l'île de Victoria, et revinrent au campement après un voyage de 36 heures. Ils prirent possession de l'île, mais n'ayant pu retrouver le cairn de Collinson, ils ne laissèrent aucun docu­ment signalant leur passage à cet endroit. Du reste, pour ériger un cairn de quelque durée la pierre leur faisait totalement défaut. La température était de 12 degrés au-dessous de zéro et le vent, du Nord-Ouest, d'une vitesse de 35 à 40 milles à l'heure. En notre absence des ours blancs visitèrent notre hutte de glace, et détrui­sirent les couvertures dont nous avions recouvert notre traîneau et le toit de notre hutte. En outre, ils avaient mis en pièces nos sacs-couchettes et dévoré presque toutes nos provisions de bouche. Aussi, nous empressâmes-nous de ramasser tout ce que nous pûmes trouver, c'est-à-dire: 33 biscuits, une boîte de jambon en conserve de 5 livres, et 4 livres d'extrait de bœuf concentré. Quant au pétrole, tout ce que nous en possédions il était contenu dans le réservoir de notre poêle. C'était ce qui nous restait, en fait d'aliments, pour retourner au cap Providence en traversant le détroit de McClure, c'est-à-dire pour parcourir de 60 à 65 milles, sur l'étendue de glace la plus accidentée que l'on puisse imaginer. Cependant, nous ne manquions pas de courage, et par un beau temps, même sans pro­visions, à la grâce de Dieu, nous résolûmes d'entreprendre notre voyage de retour, dès le lendemain matin.


29 avril. Température: 8 heures du matin, 4 degrés au-dessous de zéro; vent d'ouest d'environ 50 milles à l'heure; terrible tempête de neige fine sur le détroit. Il nous est impossible de partir; nous décidons de dîner d'un biscuit chacun; et, la nuit venue, nous nous retirons dans notre hutte de neige, sans craindre une indigestion, on peut en être assuré.
30 avril. Température: 8 heures du matin, 6 degrés; vent du nord-ouest de 15 à 16 milles à l'heure. Dans les conditions où nous nous trouvions, je décidai d'abandonner le projet que nous avions conçu de nous rendre aux îles de la Princesse Royale, par le détroit du Prince de Galles, pensant qu'il serait plus sage de retourner au cap Providence, point le plus rapproché où nous pourrions nous appro­visionner, quitte à entreprendre ce voyage par la suite, si nous le jugions à propos. A 4 heures du matin, nous nous mîmes donc en route, après avoir placé, dans une bouteille, les documents qui établis­saient notre prise de possessions des îles de Banks, de Victoria et du roi Guillaume; bouteille que nous mîmes près d'un rocher élevé, à 5 milles à l'ouest de la pointe Russell, et que nous recouvrîmes de pierres formant cairn. Nous dirigions maintenant nos pas dans la direction du détroit de McClure. Après quatre heures de marche nous dûmes nous réfugier pour la nuit dans un ravin à la neige épaisse. A ce moment-là nous souffrions tous trois d'une ophtalmie aigüe.

1er mai. Température: le matin, 6 degrés au-dessous de zéro; vent nord-ouest d'une vitesse de 25 à 30 milles·à l'heure; à midi, 2 degrés au-dessous de zéro, et peu après de nouveau 6 degrés et vent violent continuel qui, au-dessus du détroit, remplit l'atmosphère de neige fine. La nuit précédente avait été très dure pour nous dans notre hutte de neige, car nous n'avions plus ni couvertures ni com­bustible. Il nous était impossible de nous servir de notre poêle, et nous ne pûmes même pas dormir une heure. De grand matin nous reprîmes notre marche et parcourûmes deux milles. Ce fut à ce moment que notre voyage fut le plus pénible et que nous eûmes le plus à souffrir, la vue continuelle de la neige nous ayant presque aveuglés. Quant aux aliments ils nous manquaient presque complète­ment. Il ne nous restait plus que quelques biscuits.

2 mai. Température: de 12 à 8 degrés au-dessous de zéro; vent du nord-est de 16 à 18 milles à l'heure. A 2 heures du matin nous dûmes quitter notre hutte de neige, nous sentant dans l'impossibilité de pouvoir, au repos, endurer plus longtemps le froid intense qu'il faisait. Nous marchâmes donc jusqu'à 3 heures de l'après-midi et parcourûmes neuf milles, souffrant beaucoup de la soif, ce qui est encore pire que la faim.

lundi 20 avril 2009

Expédition à -20

Lors de la dernière chronique, nous avons vu que le capitaine Bernier mettait en branle trois expéditions en traîneaux. Cette semaine, grâce au rapport de O. J. Morin, responsable d’une des expéditions nous suivrons quotidiennement un de ces groupes.


20 avril.Température: 20 degrés au-dessous de zéro; vitesse du vent, 5 à 6 milles à l'heure. Nous avons, aujourd'hui, marché longtemps avec la plus grande difficulté, n'avançant que de 5 milles. Etant partis du campement à 1.30 du matin, nous ne nous sommes arrêtés qu'à 2.30 de l'après-midi. A cause du mauvais état de la glace, nous avons été obligés de porter nos provisions par fractions, de mille en mille, ce qui nous a obligés à retourner plusieurs fois sur nos pas. La glace devant nous avait la forme de pyramides ou de pics et ar­rêtait considérablement notre marche. A midi, nous nous trouvions à 19 milles de l'île de Banks. Je profitai d'une éclaircie et de la pré­sence du soleil pour déterminer la latitude à laquelle nous nous trou­vions.


21 avril. Température: 12 degrés au-dessous de zéro; vent d'est de 12 milles à l'heure. A 7 heures du matin, nous quittons notre hutte de neige et marchons jusqu'à 3 heures de l'après-midi, pour franchir 6 milles de route. La glace étant encore très accidentée et, une tempête s’étant élevée, nous n'avons guère vu notre chemin à plus de 20 pieds autour de nous, dans toutes les directions; la neige poussée par le vent nous aveuglant, nous fûmes obligés d'établir de bonne heure notre campement pour la nuit. Nous nous portons tous bien malgré les fatigues du voyage.


22 avril. Température: 12 degrés au-dessous de zéro; vent de l'ouest de 11 à 12 milles à l'heure. Il a beaucoup neigé toute la nuit dernière, et il neigeait encore ce matin lorsque nous nous sommes remis en route. Nous nous sommes arrêtés à midi, comme la tempête22 tirait sur sa fin et que le ciel s'éclaircissait, ce qui, pour la seconde fois, nous a permis d'apercevoir l'île de Banks, dont notre campe­ment n'est plus qu'à deux milles. Au moment où nous nous arrêtons la température est de 8 degrés au-dessous de zéro.


23 avril. Température: 8 heures du matin, 12 degrés au-dessous de zéro; vent de l'ouest de 15 à 16 milles à l'heure; beau temps, ciel clair et soleil brillant. Une observation astronomique nous montre que nous nous sommes quelque peu écartés de notre route, et que nous nous trouvons en face de l'entrée de la baie que terminent d'un côté le cap Sandon et de l'autre le cap Parker. Ici, la glace est récente, unie et ne date que de l'hiver dernier. Nous avons quitté cet endroit à 9 heures du matin et voyagé jusqu'à 3 heures de l'après-midi, nous trouvant alors un peu à l'ouest du cap Parker: de nouveau en présence de glace accidentée. Nous nous arrêtons et établissons notre campe­ment pour la nuit, n'étant plus qu'à 16 milles de la pointe Russell, terme de notre expédition.

24 avril. Température: 8 heures du matin, 4 degrés; vent de l'ouest. Nous nous sommes remis en route à 7 heures du matin, sur de la glace très accidentée, et ne nous sommes arrêtés qu'à 8 milles de la pointe Russell. Comme le temps était très clair, je pris une photographie du cap Parker. A 5 heures de l'après-midi, nous nous arrêtons pour préparer notre campement. Une fois de plus, à cause du mauvais état de la glace, nous avons été obligés de transporter à dos nos provisions.

25 avril. Température: 8 heures du matin, 17 degrés; vent de l'ouest de 16 à 17 milles à l'heure. Nous nous sommes mis en route à 5.30 et ne nous sommes arrêtés qu'à 4 heures de l'après-midi, n'ayant franchi que trois milles avec les plus grandes difficultés. Nous sommes épuisés, et notre campement n'est plus qu'à 5 milles de la pointe Russell. Il est impossible de décrire l'aspect chaotique de la glace et des bancs de neige, formés par la dernière tempête et où nous nous enfonçons souvent jusqu'au cou. Néanmoins, nous sommes dans de bonnes dispositions d'esprit à l'idée que demain, très proba­blement, nous atteindrons notre but.

26 avril. Malgré une tempête qui s'est élevée, nous nous remet­tons en route à 9 heures du matin. A Il h. 30 m. nous campons, après avoir parcouru un mille et demi. Nous ne sommes plus qu'à environ 1. mille de la côte et à 4 ou 5 milles de la pointe Russell. A 3 heures de l'après-midi, le temps s'étant éclairci, nous nous dirigeons vers la pointe Russell, où je cherche le cairn érigé, en 1850, par sir Robert Lemesurier McClure. Mais, après quelques heures de recherches infructueuses, je dus abandonner l'espoir de le retrouver: ce cairn ayant probablement disparu, soit que le sable l'eût recouvert ou que le vent l'ait détruit. En tous cas, nous n'en pûmes découvrir aucun vestige sur la surface sablonneuse et graveleuse de la pointe Russell, où, en 1850, il fut apparemment difficile de trouver assez de pierres pour y construire un cairn, qui, de gravier et de sable, n'aurait pu résister à l'action des vents violents fréquents à cet endroit.

lundi 13 avril 2009

Expédition en traîneau à l’Île de Banks

Le mardi, 30 mars, nos groupes de voyageurs, qui étaient prêts, quittèrent le navire. Je pris le commandement d'un traîneau et confiai les deux autres, l'un à O. J. Morin, second lieutenant, et l'autre à Chas. W. Green, troisième lieutenant. En outre de ces officiers, les divers groupes de l'expédition se com­posaient des seconds-maîtres Joseph Lessard, Napoléon Chassé, Vigneau, et de 11 hommes. Le premier jour, nous parcourûmes treize milles et nous arrêtâmes pour camper au cap Phipps, près d'un grand iceberg, à 9 milles à l'ouest de la Pointe Hearne. Le jour suivant, le temps parut menaçant, et comme dans la matinée nous nous aperçûmes que nos traîneaux nécessitaient un meilleur arrimage et que les paquets de biscuits que nous venions d'ouvrir ne pouvaient convenir à un voyage aussi dangereux que celui qu'allaient entreprendre MM. Morin et Green avec leurs hommes, nous nous décidâmes à rebrousser chemin et à rejoindre l'Arctic.


Nous remplaçâmes un de nos traîneaux par un autre de ces véhicules, muni de patins garnis d'os de baleine, que nous char­geâmes de provisions dans l'intention de reprendre le voyage qui avait donné lieu à un faux départ. Il continuait à faire froid, et il ventait. La neige s'amoncelait. À ce moment, le second-maître Lessard tomba malade et nous le remplaçâmes par le chauffeur Robson. Les 2, 3 et 4 avril, le vent fut très fort et parfois tempétueux, mais le 6, comme le temps était redevenu calme, les divers groupes d'explorateurs partirent de nouveau dans l'intention de traverser le détroit de McClure. M. Morin, second lieutenant, prit cette fois le commandement du traîneau No 1; M. Green, troisième lieutenant, celui du traîneau N° 2; le second-maître Chassé, celui du traîneau N° 3, et le second-­maître Vigneau, celui du traîneau N° 4. Enfin, un cinquième groupe des membres de l'équipage partit avec les quatres traî­neaux pour prêter leur aide pendant une partie du trajet.


lundi 6 avril 2009

Du 20 février au 4 mars 1909

… Le 20, nous mesurâmes la glace: elle avait 77 pouces d’épaisseur. Ce jour-là, M. William E. Jackson traça une ligne de comparaison sur le rocher Pany, destinée à servir de repère pour l’étude des marées. Nous mesurâmes, à l’aide d’un compte-pas, la distance qui séparait ce rocher de notre bâtiment: elle était de 5,094 pieds. Le sommet du rocher se trouvait à 52 pieds au-dessus du niveau de la mer.
J’employai maintenant mes hommes à charrier de la pierre à bord, pour lester le navire, pensant que cela les entraînerait à mieux supporter les futures marches du printemps, tout en leur procurant sur le moment un excellent exercice. Je dirai ici, en passant, que nous avions sur l’Arctic trois matelots qui excel­lent à faire des modèles de navires et à les gréer. Ils se livrè­rent à ce passe-temps. Le Norvégien John Anderson fit preuve de la plus grande habileté dans cet art.
Durant la dernière quinzaine de février, il fit très froid: 40 degrés au-dessous de zéro par un vent violent.
Le 1er mars, il fit mauvais temps et le vent souffla du sud­-est. Le 2, le temps s’améliora: Pike et Goulet étant allés à la chasse, eurent la chance de tuer deux rennes qui pesaient chacun 90 livres. …

… Le 4 mars, M. Jackson fit planter sa tente destinée aux observations météorologiques et, avec M. Green, je fis trans­porter la croix que nous avions faite pour commémorer l'an­nexion de l'archipel arctique au Canada. Cette croix fut érigée sur la colline du Nord-Est, à Winter-Harbour, et sa base fut consolidée avec des pierres. Comme il faisait très beau, de la colline où nous étions nous pûmes apercevoir le relief monta­gneux qui suit la direction nord-nord-ouest quart ouest, de l'autre côté du golfe de Liddon. Parry a ainsi nommé ce golfe en souvenir du lieutenant Liddon, qui commanda le Gripper.

À suivre

lundi 30 mars 2009

EDOUARD SEPT, par la Grâce de Dieu, roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande et des possessions Britanniques au delà des mers, Défenseur de la foi, Empereur de l’Inde.

AU CAPITAINE JOSEPH-ELZÉAR BERNIER, de la cité d’Ottawa, dans la province d’Ontario, dans notre puissance du Canada,

SALUTS.




Pour, par vous, ledit JOSEPH-ELZÉAR BERNIER, AVOIR, TENIR et EXERCER ladite charge de commandant du navire de l’État l’Artic et en jouir en vertu de la loi, durant notre bon plaisir, avec tous les pouvoirs, droits, autorité, privilèges, profits, émoluments et avantages appartenant légitimement à ladite charge.



… AVOIR, TENIR ET EXERCER ladite charge d’officier des Pêcheries, et en jouir en vertu de la loi, durant Notre bon plaisir, … vous donnant en outre tous les pouvoirs et autorité pour exercer les fonctions de votre nouvelle charge à laquelle Nous conférons la juridiction d’un juge de paix, afin de faire observer lesdites «Lois» ou toute loi ou règlement promulgués ou maintenus aux mêmes fins.



… ce VINGT-TROISIÈME jour de JUILLET, en l’année de Notre-Seigneur mil neuf cent six, et de Notre Règne la sixième.


C’est nanti de cette double commission royale que le Capitaine Bernier et son équipage, à bord du vapeur Arctic, quittèrent Québec pour prendre possessions des territoires Arctiques au nom du Canada, le 28 juillet 1908. Au cours des prochaines semaines, à partir du rapport d’expédition du Capitaine Bernier, nous vous ferons partager leur vie en Arctique au cours du printemps et de l’été 1909.


Outre Bernier l’équipage se composait des personnes suivantes :

Officiers Personnel scientifique
George Braithwaite, premier lieutenant J. Bolduc, docteur médecin
O. J. Morin, second lieutenant F. Vanasse, historiographe
C. W. Green, troisième lieutenant W. E. Jackson, météorologiste
J. V. Koenig, mécanicien J. G. McMillan, géologue
Émile Bolduc, second mécanicien Frank Hennessey, aide-naturaliste
W. H. Weeks, commissaire

Équipage

Gédéon Gagné, charpentier Reuben Pike, garçon de table
William Johnson, maître d’équipage J. Goulet, garçon de table
J. Thibault, maître d’hôtel Thomas Holden, matelot
L. Bégin, cuisinier Thomas White, matelot
Georges Lessard, second maître Daniel Lane, matelot
Napoléon Chassé, second maître Swen Anderson, matelot
Arthur Desjardins, second maître William LeBel, matelot
Claude Vigneau, second maître Alphé Bouchard, matelot
F. Lahaye, graisseur T, W, Burk, matelot
A, Bourget, graisseur John Simms, matelot
A. Robitaille, second-maître d’hôtel William Doyle, matelot
W, Vaillancourt, aide-cuisinier Henry Wakeham, matelot
G. Gosselin, chauffeur Joseph Bodeker, matelot
Jos. Leclair, chauffeur James Brace, matelot
D. Robson, chauffeur Louis Wistle, matelot
P. Tremblay, matelot



Dans ce texte et ceux à venir, toutes les parties en italiques sont tirées intégralement du rapport que J-E Bernier adressait à l’honorable L-P Brodeur, Ministre de la Marine et des Pêcheries du Gouvernement canadien.