Dès la fin de juin l'aspect des environs de l'Artic avait beaucoup changé. Les rennes avaient maintenant d'abondants pàturages, le bruit des ruisseaux se faisait entendre dans les ravins, et nous ressentions un réel plaisir à voir de nombreuses et grandes mares d'eau sur la glace de la baie, qui fondait sous l'effet des rayons solaires. Tout cela contribuait à nous laisser espérer une prochaine mise en liberté du bàtiment, que les glaces avaient étreint durant de si longs mois. Non loin de nous des rennes paissaient paisiblement, qui ne faisaient pas plus attention à notre navire que si c'eùt été un des icebergs de cette région polaire. Des eiders passaient à portée de nos fusils: nous eùmes la chance d'en abattre plusieurs.
Le 1er juillet, fête de la Puissance, fut célébré par tout le monde à bord. Pour la circonstance nous pavoisàmes l'Arctic, qui prit ainsi un air de gaieté, la journée étant très belle. Au dîner nous bùmes à la santé de la Puissance et de son premier ministre, puis nous nous rendîmes tous sur le rocher de Parry pour assister au dévoilement d'une plaque commémorative fixée sur une roche, et qui, longtemps, attestera aux yeux des futurs explorateurs de ces lointaines régions, l'annexion au Canada de tout l'archipel arctique américain. En cette circonstance je· prononçai un petit discours, ayant trait à l'importance de cette prise de possession, qui résultait de la cession que le gouvernement impérial fit au Canada, ]e 1er septembre 1880, de tous les territoires britanniques situés dans les eaux· boréales du continent américain et de l'océan arctique, depuis le 60e degré de longitude Ouest jusqu'au 141e degré dé longitude Ouest, avec le pôle géographique comme limite extrême dans le nord. Je fis remarqner à mes auditeurs et compagnons de voyage que nous avions annexé un certain nombre d'îles, une par une, et de vastes territoires continentaux, et que maintenant nous en étions à établir nos droits sur toutes îles et tous territoires compris entre les longitudes 600 à 1410 Ouest, désormais sous la juridiction canadienne. À ce moment nous poussâmes trois hourras en l'honneur du premier ministre et du ministre de la Marine et des Pêcheries du Canada, puis tout le monde se dispersa pour employer le reste de la journée à sa guise. La plupart de nos hommes, pourtant si rudes, se distrairent alors à la façon des jeunes filles: cueillant des fleurs sauvages qui abondaient sur l'île, ou ramassant une foule de menus objets présentant quelque intérêt.
Durant la première semaine de juillet l'équipage enleva les superstructures provisoires d'habitation, que nous avions établies sur le pont, et il en mit les matériaux dans la cale, afin qu'ils pussent servir de nouveau si nécessaire. Car, nous envisageâmes alors la possibilité de rester dans les eaux du nord pendant une autre année, et c'est pourquoi nous mesurâmes le pétrole combustible qui nous restait. Nous constatâmes que nous en avions brûlé plus de la moitié de la quantité apportée. Il nous fallait donc être parcimonieux de ce liquide si nous devions prolonger notre voyage. Puis, nous construisîmes plusieurs cairns sur différents points. L'un d'eux, que nous surmontâmes de trois barils, fut nommé cairn de l'Ouest. Il avait 10 pieds de base et 71/2 pieds de hauteur. Nous reconstruisîmes le cairn de Parry sur la colline du Nord-Est, et y apportâmes une plaque de cuivre où étaient inscrits les, noms des navires Hecla et Griper et les millésimes 1819-20, pour indiquer l'endroit où Parry avait laissé ses fameux documents historiques. J'ajouterai que, pour lui permettre de défier les attaques du temps, la plaque de cuivre dont je parle fut fixée sur une forte pièce de chêne assujétie sur le devant du cairn. Sur la pointe Fife nous construisîmes aussi un cairn d'environ 10 pieds de hauteur dans lequel nous déposâmes des documents relatant nos ohservations et nos gestes à vVinter-Harbour.
Ces travaux achevés je donnai l'ordre à l'équipage de hisser à bord les embarcations et les traîneaux. Il est vrai la glace était encore épaisse de 5 à 6 pieds, mais sous l'eau elle était très entamée à certains endroits. Le 3 juillet il plut, ce qui nous rappela que du ciel il pouvait tomber autre chose que de la neige. Le 4, nous aperçumes quelques phoques qui se prélassaient sur la glace, au delà de la crevasse formée par la marée.
lundi 29 juin 2009
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