mardi 29 septembre 2009

Ashe-Inlet

Le 21 septembreje débarquai à Ashe-Inlet, pour y placer sur une colline des documents attestant mon passage précisément à l'endroit où l'on avait jadis. établi un poste d'observation. En cette occasion je fis ajoûter quelques pierres à l'observatoire rustique dont je parle, afin de mieux protéger les documents que j'y laissais. De plus, je fis construire deux balises en bois sur la côte, appelées à faciliter l'accès du mouillage. Quand ces balises furent terminées, je les fis marquer de façon à indiquer que ces amers avaient été construits par l'équipage de l’Arctic. A midi, accompagné d'un second-maître et de quatre hommes, je me rendis au sommet de la colline la plus élevée, où un M.Tyrrel avait construit un amers lors d'une expédition antérieure. De cette colline nous apercevions très bien le détroit qui, à certains moments,était absolument exempt de glaces. Le jeudi, un vent grand frais du sud-sud-est, se fit sentir et nous obligea à donner 90 brasses de plus de chaîne à nos ancres. Comme la tempêtene faisait qu'augmenter, nous dümes mouiller deux ancres de plus à l'avant de l'Arctic, pour l'empêcher de chasser, et nous fîmes machine en avant très lentement. La rade de Ashe-Inlet n'est pas suffisamment abritée pour qu'un navire quelconque s'y trouve en sûreté par des vents du sud-est. Nous n'y fûmes pas entraînés à la dérive, mais nous avions dû nous préparer à faire machine en avant à toute vapeur si nécessaire. A 1.10 h. de l'après-midi, à la haute mer, les vagues grossirent beaucoup. Deux heures après, le vent s'étant calmé, je fis hisser les deux ancres supplémentaires, et, le lendemain matin, comme il ne faisait plus qu'une légère brise du sud-est et que la mer s'était calmée, nous mîmes deux embarcations à la mer pour débarquer plusieurs de nos hommes et :MM. McMillan et Jackson, les deux savants dont nous avons déjà parlé maintes fois. Quand tout le monde fut de retour à bord nous quittâmes la baie. A son entrée se trouvait un grand iceberg qui s'était échoué et au nord duquel nous passâmes. Quant à la balise dont nous avons parlé, elle a été placée pour marquer un rocher que la haute mer recouvre, sur le côté nord-est de l'entrée de la baie.

Le 25 septembre, le temps fut clair et il souffla une légère brise du sud-ouest. Nous mîmes toutes voiles dehors, et à midi, nous nous trouvions par 610 20' de latitude Nord et 660 40' de longitude Ouest. La déclinaison était de 54 degrés Ouest. Dans la matinée de cette journée nous rencontrâmes quelques glaçons, mais à midi nous n'aperçûmes plus de glace. Le temps se maintenait beau et le navire continuait à très bien marcher. A 9.30 h. du soir nous nous retrouvions à la hauteur des îles Button, et à minuit cet archipel se trouvait à 5 milles de nous dans le sud-ouest. Le temps était réellement superbe et il ne changea pas le lendemain, 26, ce qui nous permit de voir la terre dans l'ouest et d'apercevoir les premiers signes de la civilisation. Il était évident que nous approchions de nos foyers.

Le 27, nous passâmes à 12 milles du cap Mugford, que nous laissâmes dans le nord-ouest. Nous venions d'avoir deux jours et deux nuits de très beau temps, avec mer exempte d'icebergs, ce qui nous avait permis de suivre une bonne partie de la côte du Labrador sans la moindre difficulté. Comme le temps se maintenait au beau et était relativement chaud à cette époque de l'année, j'ordonnai à l'équipage de repeindre le bâtiment:. Le mardi, 30, à 2 h, du matin, du nid de corbeau, la vigie aperçut le phare deBelle-Isle devant nous, à une aire de vent près, Désirant beaucoup traverser le détroit pendant le beau temps, je passai devant Château-Bay sans m'y arrêter, Cependant, quand nous eûmes atteint la pointe Armour, j'envoyai le second lieutenant à terre, pour informer télégraphiquement le ministère de la Marine et des Pêcheries de l'arrivée de l'Arctic, Peu après, le vent d'Est mit fin au beau temps et il plut; néammoins, ayant mis dehors toute la toile possible, nous continuâmes à faire huit nœuds à l'heure,

mardi 22 septembre 2009

Nous recevons du courrier à Port-Albert


Dès notre arnvee, le second lieutenant fut envoyé à terre pour prendre le courrier, qu'après arrangements spéciaux, le baleinier Morning, de Dundee, devait nous avoir apporté à Port-Alber. En effet, grâce à l'obligeance de M. Robert Kinnes, de Dundee, Ecosse, armateur du Morning, nos lettres avaient été apportées à son poste de baleinier, à Port-Albert. Aucun navire baleinier n'était à ce moment sur ce point de la côte, mais notre courrier avait été confié à une femme indigène du nom d'Arrah, qui remit à notre lieutenant de nombreux paquets de lettres et de journaux. Les nouvelles que nous recevions tous étaient agréables et satisfaisantes, sauf quant au troisième lieutenant qui apprenait la mort de sa mère.

Nous passâmes une journée à terre, au milieu des indigènes, et M. Jackson, qui était officiellement autorisé à percevoir les droits de douanes versés par les navires marchands, s'enquit de l'arrivée de ces navires. Quant à M. McMillan il se livra à des recherches géologiques dans le voisinage de Port-Albert.

Comme les indigènes m'informèrent que l'on n'attendait pas d'autres bâtiments à Port-Albert, je décid'ai de faire route vers le Sud, tout en continuant nos observations le long de la côte, sans savoir, cependant, ce qui pourrait nous advenir quant à des avaries ou à la possibilité de nous faire prendre dans les glaces. Nous laissâmes du courrier à Port-Albert, pour que des baleiniers de Dundee le fassent parvenir au département de la Marine et des Pêcheries.

Nous levâmes l'ancre à Port-Albert ]e 3 septembre, passàmes devant l'île de Belœil, que nous avions ainsi nommée l'année précédente, et fûmes bientôt dans le voisinage de deux petites îles que nous portâmes sur les cartes, où elles n'existaient pas.


Port-Erik

A titre de renseignements nautiques nous donnons ici une description de Port-Erik, dont, en général, le nom ne figure pas sur les cartes. Ce port naturel qui est formé par un golfe profond, a environ 5 milles de large à son entrée et s'avance de 6 milles dans les terres. Comme des glaciers atteignent ses grèves et s'y précipitent parfois, il n'est sûr ni en hiver ni en été. De Port-Erik nous naviguâmes sur le cap Wedd, et aperçûmes 5 glaciers à la suite les uns des autres avant d'arriver à ce cap. Cette partie de la côte de la terre de Baffin n'était pas sans danger pour nous, car les icebergs y abondaient à tel point que, s'échouant sur le rivage, ils nous cachaient, la plupart du temps, les terres qui se trouvaient derrière eux. Nous naviguions alors par des fonds de 240 brasses et nous trouvions par 71 ° 32' de latitude Nord et par 70° 30' de longitude Ouest. C'est dire que nous étions dans une position dangereuse qui exigeait la plus grande vigilance, et ce fut pourquoi je restais alors sur le pont tout un jour et toute une nuit. Le ciel, qui était couvert, s'éclaircissait pendant quelques instants à de rares intervalles,

Le 5, dimanche, nous aperçûmes la terre des approches de Scott's-Inlet, à environ 14 milles de notre bâtiment. A 5 ou 6 milles à l'Est de l'entrée de Scott's-Inlet la côte est basse, mais nous apercevions le pic élevé et recouvert de neige appelé Peak-Hill et l'île du monument d'Agnès. A 7 h. du soir nous avions dépassé cette île et pénétré dans les terres jusque dans l'estuaire de la rivière Clyde, qui coule dans la direction de l'ouest-nord-ouest. Puis, nous mouillâmes dans le fond de la baie, à côté du baleinier-goélette Jennie.

lundi 14 septembre 2009

Mer libre

Reprenant la relation de la croisière de l'Arctic an point où je l'ai quittée, je rappellerai qu'à ce moment le vent commençait à se faire sentir beaucoup plus et que depuis un an, pour la première fois, le bâtiment se mit à rouler, ce qui ne manqua pas de faire plaisir aux marins du bord qui enfin se retrouvaient dans leur élément favori.

En effet, pendant 366 jours nous nous étions occupés à terre et sur les côtes, tantôt à faire des excursions, tantôt à traverser des détroits d'un passage difficile, où plusieurs modes de locomotion avaient été employés, mais toujours avec la sensation qu'on se trouvait .sur un sol ferme. Aussi, le rouli et le tangage du navire rappelaient-ils aux matelots leur genre de vie habituelle.
I
Le 30 août, à midi, nous nous trouvions par 73° 58' de latitude Nord et par 84° 23' de longitude Ouest; à 5 h. de l'après-midi, nous doublions le cap Crawford en passant à 5 milles au large. Vers minuit nous laissâmes derrière nous le cap Charles-York. Il .soufflait une violente brise du sud-est, mais la lune, qui était à son plein, brillait dans toute sa splendeur et nous permettait de jouir d'un spectacle grandiose. De grands cumulus sombres étaient visibles au delà des montagnes Byam-Martin de l'île Bylot, et l'on voyait les pics recouverts de neige qui, par cette nuit lumineuse, prenaient un aspect fantastique, accentué par leurs flancs abrupts et sombres qui contrastaient avec la blancheur de la neige et le bleu sombre de l'eau, où les rayons de la lune se reflétaient jusqu'au pied des falaises de la côte.

Le 31, nous nous trouvions par le travers de l'île Adam, alors qu'une forte bourrasque du sud, bien que nous fussions sous vapeur, nous empêcha d'y accoster. Nous fûmes donc obligés de louvoyer à la cape parmi des icebergs, afin d'attendre le beau temps. Nous avions maintenant l'île Wollaston dans l'est-sud-est, à trois milles de nous. A 4 h. de l'après-midi, nous prîmes de nouveaux ris dans notre grande voile et à 6 h. une saute de vent se produisit. Comme il nous venait maintenant de l'Oue.st, nous nous engageâmes dans 1e passage Navy-Board

Glaciers

A cette saison de l'année le soleil commençait à se coucher pendant quelque temps au-dessous de l'horizon; cependant, il faisait encore jour pendant 24 heures consécutives. A minuit, nous passâmes devant quatre grands glaciers dont l'aspect rappelait des rivières gelées qui seraient descendues d'une hauteur de 600 pieds en suivant le pente du sol. En arrière se trouvaient des montagnes assez élevées. A cette latitude il gèle beaucoup plus qu'il ne dégèle, et les glaciers qui se dirigent toujours vers la côte baignent leur partie inférieure dans les eaux du passage susdit.


Passage Navy-Board

Le 1er septembre tandis, que nous naviguions dans le passage Navy-Board le temps était brumeux et il bruinait. En face de la pointe Low nous aperçûmes une île d'environ un quart de. mille de long qui n'était pas portée sur les cartes, et un peu plus au sud, sur la rive opposée du passage, nous vîmes le cairn que nous avions construit au cours du voyage précédent de l'Arctic, sur la pointe Canada, ainsi nommée en souvenir du croiseur canadien, le Canada, le premier de nos navires de guerre qui ait porté des canons. Devant nous tout un chapelet d'icebergs s'appuyait sur le banc de la côte ouest de l'île Bylot, parsemée de hauts fonds dangereux, que les bâtiments peu familier,s avec ces parages doivent éviter d'assez loin. Au cours de ce voyage un incident se produisit qui retarda quelque peu notre arrivée à Port-Albert: pendant que nous étions sous toutes voiles quelques-uns des boulons de notre chaîne de gouvernail se rompirent par l'usure, ce qui nous obligea à nous servir momentanément du second mécanisme de gouvernail.


Rencontre de deux embarcations

Le soir, vers 7 h., la vigie signala deux embarcations qui ramaient vers nous. Immédiatement, nous mîmes le cap sur elles. Elles étaient montées par des naturels de la rivière du Saumon qui se rendaient à Port-Albert. C'étaient les premiers êtres humains que notre équipage voyait depuis que nous avions levé l'ancre à Etah, Groënland, le 19 août 1908. Nous prîmes ces gens à bord et poursuivîmesnotre route vers Port-Albert où nous mouillâmes par 20 brasses, à 9.15 h. du soir.

lundi 7 septembre 2009

Détroit d'Austin

Étant retourné à bord de l'Arctic qui avait mouillé, comme je l'ai dit, contre le bord de la banquise polaire, je fis virer de bord, et naviguai en descendant le détroit d'Austin pour atteindre le cap Cockburn de l'île de Bathurst. En cours de route, chaque fois que nous le pûmes nous recueillîmes des sondes. Nous passâmes au large du cap Schomberg qui se détache majestueusement de la côte. Le 22 août, nous trouvant à trois milles au large du cap Cockburn nous mîmes le cap de façon à laisser l'île Moore sur bâbord. A 9.30 h. du matin nous étions à un demi mille au sud de cette île. A partir du cap Cockburn nous sondâmes tout le temps, et constatâmes la présence de hauts fonds jusque dans l'Est de l'île Moore. Puis, nous dûmes carguer quelques voiles et naviguer vers l'île Baker. Le champ de glace qui encombrait la majeure partie de la mer, avait là une vingtaine de pieds d'épaisseur et nous barrait le chemin. Nous y attachâmes notre navire et recueillîmes des sondes d'heure en heure, par des fonds de 38 à 77 brasses. L' Arctic commençait à être menacé par les glaces. Nous dûmes manœuvrer de façon à parer l'île Moore, vers laquelle nous dérivions. Le 23, nous décapelâmes nos amarres pour éviter d'être pris dans la banquise, et comme le vent sauta au sud-est, nous mîmes le cap vers l'ouest, près de l'île Garret, après quoi nous doublâmes l'île Moore à 4 milles de sa côte. Nous étions obligés de consulter la sonde pour manœuvrer, ce qui nous conduisit vers l'île Browne que nous atteignîmes à midi, le 23 août, par 74° 50' de latitude Nord et 96° 25' de longitude Ouest. De là, sous vapeur, nous suivîmes une éclaircie dans la banquise et amarrâmes le navire à la partie de" celle-ci qui tenait à la côte: entre les îles Browne et Somerville, par 95 brasses de fond.

Marées

Les glaces venaient maintenant du sud-ouest, et leur mouvement nous permettait d'observer la direction des marées au large des îles Browne et Somerville. Le courant de jusant se dirigeait vers l'est et le flot vers l'ouest, nous enfermant dans les glaces, sans que nous puissions nous en échapper. Le 24 août, dans la matinée, la banquise commença à se détacher, ce qui permit à l'Arctic de se diriger vers la pointe Ross, où nous l'attachâmes à la glace qui tenait encore au rivage, par 74° 30' de latitude Nord et 96° 24' de longitude Ouest. A cet endroit, nous nous approvisionnâmes d'eau douce, sur un grand champ de glace d'environ 50 pieds d'épaisseur, qui se trouvait à deux milles au nord de l'île Browne. Les sondes que nous recueillîmes accusaient des fonds de 47 brasses. Le temps était beau et clair et le vent soufflait de l'est. M. Jackson en profita pour faire des observations magnétiques sur la glace.

Au large de l'île Griffith: Nous sommes pris dans les glaces et voyons des morses.

Le 24, alors que nous étions enfermés de tous côtés par les glaces et qu'il nous était difficile d'avancer, pour la première fois nous aperçûmes des morses pendant la nuit. Comme j'étais décidé à sortir de cette situation critique, je montai dans le nid de corbeau afin de trouver un passage dans les glaces qui pût nous permettre d'évoluer librement. Je restai toute la journée en haut du mât, confiant la manœuvre du bâtiment au premier et au second lieutenant à qui je donnais toutefois des ordres de la place élevée où je me trouvais. A midi, étant au large de l'île Somerville, je pouvais a percevoir l'île Griffith, à environ 11 milles. Nous étant efforcés d'aller de l'avant, nous parvînmes dans le sud-ouest de cette île, mais nous ne pûmes aller plus loin, ce qui nous obligea à nous rapprocher de la banquise pour éviter que le bâtiment fût jeté à la côte. Tout le détroit était couvert de glace qui dérivait. L'île Griffith est de formation calcaire. Nous nous trouvions alors si près d'elle que nous pûmes en prendre plusieurs photographies. Dans le sud-ouest, nous apercevions très bien le cap Walker, de l'île Russell. Voyant qu'il était impossible de naviguer nous décidâmes de remplir d'eau douce nos réservoirs et les chaudières du navire. Le 28 à 3 h. du matin, le soleil se leva dans un beau ciel; la glace commençait à se détacher et à se fractionner, créant de petits chenaux, dans lesquels, du nid de corbeau, je pouvais diriger le navire. A midi, nous nous trouvions par 740 34' de latitude Nord et par 940 45' de longitude. Ouest, sur des fonds de 77 brasses. Le bâtiment était maintenant complètement arrêté par des barrières de glace, formées apparemment par les glaçons qui avaient dérivés autour de l'île et s'étaient échoués sur plusieurs points à la fois.