lundi 14 septembre 2009

Mer libre

Reprenant la relation de la croisière de l'Arctic an point où je l'ai quittée, je rappellerai qu'à ce moment le vent commençait à se faire sentir beaucoup plus et que depuis un an, pour la première fois, le bâtiment se mit à rouler, ce qui ne manqua pas de faire plaisir aux marins du bord qui enfin se retrouvaient dans leur élément favori.

En effet, pendant 366 jours nous nous étions occupés à terre et sur les côtes, tantôt à faire des excursions, tantôt à traverser des détroits d'un passage difficile, où plusieurs modes de locomotion avaient été employés, mais toujours avec la sensation qu'on se trouvait .sur un sol ferme. Aussi, le rouli et le tangage du navire rappelaient-ils aux matelots leur genre de vie habituelle.
I
Le 30 août, à midi, nous nous trouvions par 73° 58' de latitude Nord et par 84° 23' de longitude Ouest; à 5 h. de l'après-midi, nous doublions le cap Crawford en passant à 5 milles au large. Vers minuit nous laissâmes derrière nous le cap Charles-York. Il .soufflait une violente brise du sud-est, mais la lune, qui était à son plein, brillait dans toute sa splendeur et nous permettait de jouir d'un spectacle grandiose. De grands cumulus sombres étaient visibles au delà des montagnes Byam-Martin de l'île Bylot, et l'on voyait les pics recouverts de neige qui, par cette nuit lumineuse, prenaient un aspect fantastique, accentué par leurs flancs abrupts et sombres qui contrastaient avec la blancheur de la neige et le bleu sombre de l'eau, où les rayons de la lune se reflétaient jusqu'au pied des falaises de la côte.

Le 31, nous nous trouvions par le travers de l'île Adam, alors qu'une forte bourrasque du sud, bien que nous fussions sous vapeur, nous empêcha d'y accoster. Nous fûmes donc obligés de louvoyer à la cape parmi des icebergs, afin d'attendre le beau temps. Nous avions maintenant l'île Wollaston dans l'est-sud-est, à trois milles de nous. A 4 h. de l'après-midi, nous prîmes de nouveaux ris dans notre grande voile et à 6 h. une saute de vent se produisit. Comme il nous venait maintenant de l'Oue.st, nous nous engageâmes dans 1e passage Navy-Board

Glaciers

A cette saison de l'année le soleil commençait à se coucher pendant quelque temps au-dessous de l'horizon; cependant, il faisait encore jour pendant 24 heures consécutives. A minuit, nous passâmes devant quatre grands glaciers dont l'aspect rappelait des rivières gelées qui seraient descendues d'une hauteur de 600 pieds en suivant le pente du sol. En arrière se trouvaient des montagnes assez élevées. A cette latitude il gèle beaucoup plus qu'il ne dégèle, et les glaciers qui se dirigent toujours vers la côte baignent leur partie inférieure dans les eaux du passage susdit.


Passage Navy-Board

Le 1er septembre tandis, que nous naviguions dans le passage Navy-Board le temps était brumeux et il bruinait. En face de la pointe Low nous aperçûmes une île d'environ un quart de. mille de long qui n'était pas portée sur les cartes, et un peu plus au sud, sur la rive opposée du passage, nous vîmes le cairn que nous avions construit au cours du voyage précédent de l'Arctic, sur la pointe Canada, ainsi nommée en souvenir du croiseur canadien, le Canada, le premier de nos navires de guerre qui ait porté des canons. Devant nous tout un chapelet d'icebergs s'appuyait sur le banc de la côte ouest de l'île Bylot, parsemée de hauts fonds dangereux, que les bâtiments peu familier,s avec ces parages doivent éviter d'assez loin. Au cours de ce voyage un incident se produisit qui retarda quelque peu notre arrivée à Port-Albert: pendant que nous étions sous toutes voiles quelques-uns des boulons de notre chaîne de gouvernail se rompirent par l'usure, ce qui nous obligea à nous servir momentanément du second mécanisme de gouvernail.


Rencontre de deux embarcations

Le soir, vers 7 h., la vigie signala deux embarcations qui ramaient vers nous. Immédiatement, nous mîmes le cap sur elles. Elles étaient montées par des naturels de la rivière du Saumon qui se rendaient à Port-Albert. C'étaient les premiers êtres humains que notre équipage voyait depuis que nous avions levé l'ancre à Etah, Groënland, le 19 août 1908. Nous prîmes ces gens à bord et poursuivîmesnotre route vers Port-Albert où nous mouillâmes par 20 brasses, à 9.15 h. du soir.

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