lundi 6 juillet 2009

Appareillage de l’«Artic»

Comme nous avions hâte de quitter Winter-Harbour et de poursuivre notre voyage, je fis appareiller l'Arctic pour qu'il fut prêt à partir le plus tôt possible. A titre d'essai je fis donc mettre la machine sous pression, et constatai avec satisfaction que les machines de propulsion, le treuil, le guindeau et les appareils électriques étaient en bon état. Le bâtiment calait alors 17 pieds 10 pouces à l’avant et 19 pieds 10 pouces à l’ar­rière; c'est-à-dire qu'il était en excellente condition pour entreprendre un voyage dans les glaces. Le 30 juillet la banquise de la baie se mit à dériver d’une vingtaine de pieds vers le sud­ouest. Comme je crois l'avoir dit, depuis quelque temps nous nous étions efforcés de pratiquer un chenal dans les glaces, afin de dégager l'Arctic. Ce travail avait avancé d'une façon satisfaisante. A la fin du mois le navire put changer de cap à l'endroit même où il avait passé l'hiver, la glace n'offrant plus à ce moment une résistance absolue. Cependant, avant de tenter quoi que ce fût pour mettre l'Arct'ic en marche, je m'en éloignai quelque peu avec le second, afin de constater l’état de la glace au large de la baie. J'éprouvai quelque jjoie de voir qu'elle fondait rapidement et dérivait. Le 2 août, en se comportant à la façon d'un brise-lames, l'Arctic put s'avancer vers l'entrée de la baie, par des fonds de 10 brasses. La banquise se détachait alors de la pointe Hearne et dérivait vers l'’Est dans le détroit.

C'est dire que maintenant nous allions quitter le lieu où nous avions passé de longs mois d1hivernage, tantôt constamment sous le soleil, tantôt continuellement dans les ténèbres, ce qui devait nous empêcher d'oublier notre séjour dans ces parages. Le 3 août, un vent violent souffla du nord-ouest, à la vitesse de 40 milles à l'heure. Cependant, comme j'avais encore des documents à laisser à terre, je me rendis sur les collines qui entouraient Winter-Harbour, et aperçus, de là, la glace qui dérivait dans le détroit. Une large crevasse, que je constatai alors dans la banquise, semblait nous promettre un prompt départ; aussi, fis-je embarquer immédiatement à bord tout ce qui était sur la côte et que nous voulions emporter. Parmi ces objects je citerai tout spécialement la tente de M. Jackson, le météorologiste, ses appareils, etc. Le 3 août, à 2 h. de l’après-midi, la banquise de la baie se détacha franchement du rivage et nous emporta à la dérive avec elle, vers l'extrémité d'un banc où la sonde accusait des fonds de trois bras'ses, et demie. Comme nous avions hissé nos ancres, je fis faire machine en avant à toute vapeur. Cela nous permit de dériver dans la baie, et de mouiller près de la balise principale. Dans le détroit, je l'ai déjà fait remarquer, la glace dérivait vers l'Est. A 8 h. du soir elle bloqua de nouveau la baie, mais comme nous étions constamment sous vapeur, nous pûmes nous avancer dans la partie intérieure de celle-ci et amarrer notre navire, qui était sur des fonds de 3 3/4 brasses d'eau, à marée basse. Le vendredi, 6, les parties extérieure et intérieure de la baie étaient fort encombrées de glaçons. L'impossibilité où nous nous trouvions de prendre la mer, m’engagea à me rendre à terre ,sur une colline élevée, pour voir quel était l'état de la glace au large de la baie. Dans le détroit elle dérivait toujours vers l'Est. Cette dérive était si considérable sur la côte de l'île de Melville, que du nid de corbeau il était impossible de voir la mer libre. Je fus donc obligé de continuer mes observations sur le mouvement des glaces. Dans ce but, je me rendis à Fife-Harbour en compagnie de M. Vanasse et de N. Chassé, pour me rendre compte si la mer était libre dans l'Est, direction que nous désirions prendre en quittant Winter-Harbour. Je ferai remarquer qu'en nous rendant à pied à Fife-Harbour, nous aperçûmes des morceaux de charbon tout le long de la grève, ·mais aucun gisement.

A 6 h. du soir, ce même jour, pendant que le navire virait sur ses ancres, il fut menacé par un grand glaçon qui dérivait sur lui. Nous fûmes obligés de donner de la chaîne pour ne point compromettre la sécurité du bâtiment. Le 8, nous fûmes de nouveau menacés de la même façon, par un glaçon qui en dérivant dans la baie entraîna notre ancre de bâbord à marée basse, ce qui nous fit talonner sur fond de vase. Aussi, dûmes-nous hisser nos ancres et faire machine en avant à toute vapeur vers la partie extérieure de la baie, où nous mouillâmes par 10 brasses de fond. Le 9, le vent souffla du sud, et le ciel demeura couvert. Ce vent poussa la glace sur la côte, mais comme la mer agissait sur la banquise et les glaçons, elle finit par les rompre, ce qui nous mettait à l'abri .de tout danger. A ce moment, je descendis de nouveau à terre, pour observer, d'une colline, le mouvement des glaces dans le détroit. Au cours de ces observations j’aperçus une troupe de bœufs musqués mais je décidai de ne point tirer dessus pour le moment. Par la suite nous les dirigeâmes vers le bâtiment et en tuâmes neuf. Il nous fallut tout un jour pour les dépouiller, les vider, et emporter leur viande à bord. En cette occasion nous capturâmes un veau qui fut transporté vivant sur l'Artic. Au moment d’attaquer ces bœufs musqués, leur chef, un mâle de forte taille, rassembla tous ses congénères et, seul, fit semblant de vouloir foncer sur nous. Il n'en fit rien, cependant, et après avoir décrit une courbe rejoignit le reste de la troupe .


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