A ce moment de notre croisière il n'est pas douteux que si l'Arctic eût pu franchir le détroit Byam-Martin, qui sépare la partie nord de l'île de Melville de celle de l'île de Bathurst, nous nous, serions rendus dans l'océan Arctique. Et ce, avec d'autant plus de satisfaction que si les contours dudit détroit ont été relevés des deux côtés, et ses caps baptisés de divers noms, on n'avait pas encore recueilli de sondes en son milieu, ni fait d'observations hydrographiques. Aussi, aurions-nous aimé à déterminer, pour la première fois, la profondeur de ce détroit, à y étudier le régime des marées, et à nous rendre compte d'autres particularités qui auraient largement compensé les hasards de notre navigation en ces parages. Notons que la pointe du Succès, de l'île de Bathurst, fut un lieu de rendez-vous bien connu des divers, groupes d'explorateurs qui, en 1852-3-4, vécurent dans cette région sous les ordres de sir Edouard Belcher, durant l'hivernage de l'Assistance sur la côte nord-ouest de la terre de Grinnell; et que, si l'on avait en partie relevé l'île Finlay, au nord de l'île de Bathurst, par contre, la mer, au nord-ouest de cette île, ne fut jamais explorée.
L'Ar-ctic était en parfait état pour s'avancer dans le Nord. D'où notre espoir d'atteindre une haute latitude, pourvu qu'il nous fût raisonnablement possible de nous avancer dans le N ord-Ouest. Il m'est donc difficile de dire combien je fus déçu, lorsque, au cap Key, je me trouvais en présence de la banquise polaire, qui nous était une barrière infranchissable.
Il est peut-être opportun de dire ici, à propos des glaces, que celles de formation polaire ont été tout particulièrement étudiées par le professeur Otto Peterson, de Stockholm, président de la Commission Internationale des études maritimes. De ses recherches il a conclu que la glace marine fond au-dessous du zéro C, et parfois même, lorsque soumise à une pression, à plusieurs degrés au-dessous de ce zéro. En outre, il a observé que la glace d'eau douce, provenant de la fonte de neiges qui contiennent des impuretés, se contracte avant de fondre. Aussi, espérai-je que la glace qui nous barrait le chemin pourrait disparaître à la suite des divers phénomènes qui produisent sa fusion: influence du soleil, contraction durant l'été et action des marées et de vents; ce qui pourrait permettre à l'Arctic de s'engager en toute, sécurité dans les chenaux des banquises soumises à la débâcle. Mais, nous n'apercevions aucun indice de la rupture et de la dérive du champ de glace. Bien que l'Arctic
grâce à sa forte membrure, fut à même de se frayer un passage à travers une embâcle récente, il lui était cependant impossible d'entamer une banquise telle que celle qui existait dans le chenal Byam-Martin. Bref, les énormes glaces qui s'étendaient dans le nord et dans l'ouest nous enlevaient tout espoir de poursuivre notre voyage dans cette direction.
Cependant, si nos instructions ne nous avaient pas ordonné de croiser dans les eaux du sud que fréquentent les baleiniers, peut-être un séjour au cap Key aurait-il pu nous récompenser de nos efforts et voir se réaliser nos espérances, mais j'en doute fort. De l'endroit où nous nous trouvions dans le détroit Byam-Martin, il nous était donné de voir toutes sortes de glaces polaires, baptisées de noms variés par les explorateurs de l'extrême-nord. C'est ainsi que nous voyions de vastes hummocks, composés de glaçons aux formes angulaires jetés au hasard les uns à côté des autres, avec entre eux de la glace d'eau douce provenant de la fonte des neiges; cependant que nous apercevions, aussi, de-ci de-là, de grands champs de glace unis et parsemés d'icebergs aux flancs polis par la fusion, que la mer avait charriés. Enfin, il y avait aussi de grands amoncellements de glace que cimentaient, pour ainsi dire, les flots congelés de la mer.
Lorsque les marées et les vents mettent en mouvement d'énormes masses de glaces, irrégulières comme celles-ci, et qu'elles viennent se buter sur les côtes des îles boréales, l'aspect des véritables montagnes et précipices qu'elles forment est absolument grandiose. Certes, il est fort difficile d'entamer des amas de glace aussi considérables, cependant un jour viendra peut-être où quelque brise-glace d'une grande puissance, parviendra à se frayer un passage à travers des banquises comme celle qui nous arrêtait. Il pénètrera alors dans l'océan polaire et permettra d'en étudier la géographie, la formation et le mouvement des glaces.
lundi 31 août 2009
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